Le render-vous de Patmos by Déon Michel

Le render-vous de Patmos by Déon Michel

Auteur:Déon, Michel [Michel, Déon]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2017-11-06T23:00:00+00:00


PAROS… NAXOS

Ici s’achèvent les œuvres de la mer, les œuvres de l’amour.

Séféris.

Nous nous assîmes sur les marches d’une chapelle. Par la porte ouverte, le soleil léchait le sol blanc, éclairait le lutrin et son icône d’argent repoussé. Un modeste cierge, souvenir d’une prière matinale, brûlait encore. Devant nous s’étendait une campagne de pierres, de collines quadrillées de murettes. Trois cyprès marquaient l’entrée d’un cimetière. Antiparos était un gros caillou à demi immergé dans la mer des Cyclades, satellite du volumineux Paros paisible et beige sous le soleil d’automne d’un bleu infini, léger, tendu comme un voile de gaze au-dessus de l’Égée. Depuis quelques jours, nous naviguions au hasard des bateaux entre les Cyclades baignées d’une lumière froide et rendues à leurs habitants. La marée des touristes s’était retirée laissant derrière elle des hôtels aux paupières closes, des boutiques mal résignées à fermer où s’entassaient encore des chapeaux de paille fanés et des piles de sacs en tapisserie, restes oubliés par la grande razzia de couleur locale. Ce novembre mélancolique plongeait dans la léthargie les ports blancs blottis au creux des rades, les villages blancs piqués au flanc des montagnes rousses et chauves. À Antiparos, la vie se réfugiait dans un hameau lumineux serré autour d’une église peinte en bleu de Prusse souligné de tranches ocre comme une cassate napolitaine. Le reste n’était que pierres entre lesquelles les troupeaux de chèvres fouinaient pour trouver un brin d’herbe ou une feuille de chardon.

Un petit homme s’approchait, un seau à la main, la casquette en arrière. De plus près, son regard parut terriblement malin avec des rides bien serrées en éventail jusqu’aux tempes. Sa moustache avait dû être belle, mais le tabac et l’alcool l’avaient jaunie et maintenant elle pendait de chaque côté de la bouche, lasse et désabusée. Il vint s’asseoir sur une marche et je lui offris une cigarette.

— Allemands ?

Non, nous n’étions pas Allemands. Il essaya l’Amérique, l’Angleterre, l’Italie, enfin la France et à notre réponse un immense sourire déforma sa bouche édentée. Mais comment comprenions-nous le grec ? C’était une langue aussi difficile que le chinois. C. me dit : « Nous n’allons pas y couper. » Effectivement, il brandit son seau :

— Rien que pour cet objet-là, il y a au moins six ou sept mots.

Il se souvint de trois et C. lui fournit les trois autres qui sont cités par tous les Grecs, pont aux ânes des premiers exercices de vocabulaire.

— Eh bien, dit-il, ça n’est pas banal ! Tu en sais plus que moi ! Il faut arroser ça…

Nous le suivîmes sur le chemin qui reconduisait au village. Une vieille, sur un âne, nous croisa, pauvre créature efflanquée au nez de corbeau, bigleuse et sévère.

— Elle n’est pas très jolie, nous dit notre ami. Et son mari est encore moins joli. Eh bien pourtant ils ont eu trois fils superbes, trois palikares. Va donc y comprendre quelque chose ! La nature est remplie de mystères…

Il s’appelait Spiridon et semblait heureux de vivre.

— Quand on n’a pas



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