Le prêtre et le médecin. Des saints guérisseurs à la bioéthique by Minois Georges

Le prêtre et le médecin. Des saints guérisseurs à la bioéthique by Minois Georges

Auteur:Minois,Georges [Minois,Georges]
La langue: eng
Format: epub
Tags: histoire
Éditeur: CNRS
Publié: 2015-07-30T22:00:00+00:00


Les jansénistes, contempteurs de la médecine : Saint-Cyran

Le grand écart entre mépris de la médecine et respect des prescriptions médicales atteint son extension maximum dans les milieux jansénistes. Le corps, misérable dépouille, ne mérite pas la moindre attention, et les maladies sont des rappels bienvenus de notre mort prochaine. Dans ces conditions, le médecin, qui est heureusement impuissant, fait figure de gêneur plus que de sauveur ; c'est même à la limite un dangereux tentateur.

C'est ce qui ressort de la vie et des écrits de Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran (1581-1643), le maître à penser de la communauté de Port-Royal. L'homme, il est vrai, est assez spécial, et l'abbé Brémond, qui ne l'aime guère, a pu dire de lui sans trop exagérer : « Il me paraît difficile de ne pas reconnaître dans son cas des indices nettement morbides, une hérédité psychopathique assez accusée{618}. » Le problème, c'est que cet esprit peu équilibré exerce une grande influence sur les jansénistes et en particulier sur les solitaires de Port-Royal-des-Champs, dont l'un d'eux, Claude Lancelot (1615-1695) a rédigé de précieux Mémoires touchant la vie de Monsieur de Saint-Cyran (1663). On y lit que pour ce dernier les maladies sont des bénédictions, des « exercices » qui ne doivent pas nous empêcher de remplir nos devoirs. Comme autrefois saint Bernard, il pense qu'on ne doit tenir aucun compte des conditions sanitaires dans le choix de la localisation des couvents. La Mère Angélique, supérieure de Port-Royal, lui ayant dit qu'aux Champs « nous étions quelque fois très malades, et il n'y en avoit pas de reste pour assister les autres, ni même pour aller au chœur, il lui répliqua : “tant mieux, ne vaut-il pas autant servir Dieu dans l'infirmerie quand il le veut que dans l'église ? Il n'y a point de prières plus agréables que celles qui se font dans les souffrances”{619} ». Ce qui n'empêche que quelque temps plus tard, « M. de Saint-Cyran lui-même ayant fait depuis sa prison un voyage à Port-Royal des Champs avec Monsieur son neveu, et s'y étant trouvé incommodé, il en partit dès le lendemain, ne jugeant point que cet air lui fût propre. »

À l'égard des médecins, il est d'une grande prudence. Il se méfie d'eux, n'accepte les médicaments qu'en dernier ressort, et refuse tout traitement extraordinaire, comme la chirurgie : « La Mère Geneviève, alors Supérieure du Saint Sacrement, étoit fort malade d'un abcès dans le corps, et les médecins après y avoir fait tout leur possible étoient d'avis de lui ouvrir le côté, pour faire vuider cet abcès. Mais M. de Saint-Cyran n'en fut nullement d'avis, et dit que Dieu ne demandoit point que nous nous exposassions à ces sortes d'opérations extraordinaires, et que s'il vouloit la guérir, il le feroit bien sans cela{620}. » Il s'oppose également à ce que M. Bascle, membre de la communauté, prenne des vomitifs, comme le demandait le médecin : « Il ferait mieux, dit-il, de faire dire trois messes, plutôt que de prendre trois vomitifs.



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