Le Pont d'Arcueil by Oster Christian

Auteur:Oster, Christian [Oster, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Education Nationale
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

10

L’homme du téléphone (1). - Deux amies de France. - La penderie. - Météo (1). - Premier risque de chute. - Je ne crie pas (2). - Série b. - Deuxième homme au chien. - Premier test. - Les apparences. - Je ne crie pas (3).

C’était, au bout du fil, le même homme que la veille, mais cette fois habité par la hargne, et qui me demandait en haussant le ton qui j’étais. Je le lui dis. J’ajoutai que, si je me trouvais chez France, c’est que notre amitié lui avait permis de me laisser depuis toujours un jeu de ses clés, et que j’avais l’intention d’y demeurer le temps qu’elle voudrait bien mettre à y revenir. C’était également ce que je pensais. Mon interlocuteur, devant mon assurance, et comme il s’indignait sans parvenir à le faire entendre - je le devinais à son souffle coupé -, préféra partir en guerre, au lieu de m’affronter, contre mon amie, qu’il soupçonnait clairement, me dit-il, de lui avoir menti. En effet, à l’en croire, elle avait de bout en bout inventé cette histoire de visite afin de l’éconduire. Je ne l’en dissuadai pas, d’autant qu’il commençait, indubitablement, à me taper sur les nerfs, et que je n’étais pas fâché à l’idée que France eût songé à se passer de sa présence. J’étais déçu, certes, que leur relation en fût encore à un stade où mon amie pût se sentir obligée de lui mentir, et je ne le saluai pas, certain qu’une hostilité réciproque, entre lui et moi, commençait de sérieusement s’installer.

J’eus à peine reposé le combiné qu’il trembla derechef sur son support, d’où, dans un réflexe d’assistance immédiat, comme s’il se fût agi d’un accident cardiaque, je l’ôtai pour traiter le symptôme à sa source en rétablissant le silence. J’espérais, toutefois, ne pas retrouver au bout du fil la même personne rappelant pour m’injurier, mais bien entendre en lieu et place de la sonnerie quelque autre voix humaine. Ce fut celle d’une femme, qui s’étonnait naturellement de ma présence - je m’étonnai moi-même de son étonnement, tant je commençais, chez France, à force de l’y attendre, à me considérer comme chez moi -, mais qui, négligeant ce qui lui apparut vite comme une incongruité de détail - sur quoi elle me pria néanmoins d’établir certaine lumière -, se montrait d’abord surprise que France ne fût pas là, dans une période où elle quittait peu sa table de travail, où la réclamait journellement sa thèse. Je ne sus trop que lui dire, d’autant que je commençais de partager son étonnement ; et, tous deux, nous engageâmes une conversation d’où naquirent de trop fragiles hypothèses, et que vint de surcroît troubler la sonnerie de l’interphone.

Mon interlocutrice, que je m’apprêtais à quitter après l’avoir instruite de ce petit événement sonore, mais qui l’avait perçu à l’arrière-plan de notre échange, me pria au contraire de ne point raccrocher et d’aller prendre connaissance, pour la lui rapporter ensuite, de l’identité de la personne qui se manifestait ainsi

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