Le poids des morts by Victor Del Arbol

Le poids des morts by Victor Del Arbol

Auteur:Victor Del Arbol [Arbol, Victor Del]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Actes Sud
Publié: 2020-01-07T13:51:23+00:00


Deux jours plus tard, au crépuscule, Lucía et Liviano descendirent dans la cour, après que les autres détenus avaient réintégré leurs cellules. La religieuse éprouvait une sorte de jalousie, même si elle ne voulait l’avouer ni à Lucía ni à personne, en voyant dans l’expression de Liviano la paix qu’elle aurait voulu lui apporter. Sur les peintures du vieillard, les couleurs s’étaient adoucies et, à la surprise générale, le vieil homme apparut un matin sans le manteau de milicien dont il ne se séparait jamais. En outre, il avait dénoué son catogan et s’était coiffé, pour la première fois depuis des années. Pour tous ceux qui d’une façon ou d’une autre avaient affaire à Liviano, il était évident que Lucía exerçait une bonne influence sur le vieillard. Y compris pour sœur Amparo.

La cour était carrée, entourée de hauts murs. Après en avoir fait le tour six ou sept fois, Lucía commença à avoir des vertiges. Elle avait l’impression d’être comme les mules qui actionnent la roue d’un moulin en laissant un sillage profond dans le sol. Elle trouvait la cour minuscule et le sol se mettait à vaciller. Elle perdit soudain connaissance et elle serait tombée si Liviano ne l’avait saisie par la taille. Dans le rictus du vieil homme, elle perçut une compassion pour elle-même, pour son faible corps qui se dérobait, rattrapé par un geste averti. Pour une fois, elle n’avait pas la désagréable sensation d’être envahie par un homme, mais au contraire d’être accompagnée.

— Le probable et l’incroyable sont les deux extrémités de la même corde. Si on les assemble, on obtient l’inévitable, dit Liviano en l’aidant à se redresser.

Lucía était incapable de déchiffrer cette énigme.

— Désolée, mais je ne comprends pas.

Alors, Liviano parla d’une maison dont les sols étaient recouverts de tapis de cretonne et où la cuisine était constamment en émoi ; à toute heure, on y entendait sur le gramophone Les Quatre Madrigaux amoureux de maître Joaquín Rodrigo, guitares et piano inondaient les pièces de leur élégance, comme si cette musique était la voix de la maison.

— Je me rappelle les citronniers qui remplissaient les soirs d’été de leur odeur acide.

Lucía supposa qu’il parlait de la Maison des Ceibas.

— Vous vous rappelez l’ermitage ? Savez-vous qui y était enterré ?

— Bien sûr que oui. Une chapelle du xiie siècle, des fonts baptismaux en marbre…

Elle était déconcertée. De tels fonts baptismaux n’existaient pas et n’avaient jamais existé, autant qu’elle s’en souvienne.

— Je n’en ai aucun souvenir.

— Il y avait aussi un beau retable du Christ crucifié, imitation parfaite de celui qu’avait peint Velázquez en 1630… Le Christ crucifié, insista-t-il en voyant l’air étonné de son interlocutrice. Si tu l’as vu, il est impossible de l’oublier. Même Unamuno lui a dédié un poème :



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