Le noble et autres contes, lettres neuchâtloises by Isabelle de Charrière

Le noble et autres contes, lettres neuchâtloises by Isabelle de Charrière

Auteur:Isabelle de Charrière [Charrière, Isabelle de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: - Divers
Publié: 2012-07-16T11:31:30+00:00


H. Meyer

CINQUIÈME LETTRE

Julianne C. à sa tante à Boudevilliers

178..

MA CHÈRE TANTE,

Vous allez être un peu surprise ; mais je vous assure que ce n’est pas ma faute : et je suis sûre que sans la Marie Besson, qui a méchante langue, quoiqu’elle pût bien se taire, car sa sœur et elles ont toujours eu une petite conduite, tout cela ne serait pas arrivé. Vous savez bien ce que je vous ai écrit de la robe de Mlle Marianne de la Prise, qui tomba dans la boue, et comment un Monsieur m’aida à la ramasser et voulut venir avec moi vers mes maîtresses : et je vous ai dit aussi qu’il m’avait donné un petit écu, dont la Marie Besson a bien eu tant à dire ! et je vous ai aussi dit que le lendemain il vint demander si on avait bien pu nettoyer la robe, et on avait fort bien pu la nettoyer, et mêmement mes maîtresses avaient fait un pli où ça avait été sali, que Mlle de la Prise avait trouvé qui allait fort bien : car je lui avais raconté toute l’histoire, et elle n’avait fait qu’en rire, et m’avait demandé le nom du Monsieur ; mais je ne le savais pas. Et quand j’eus tout cela raconté au Monsieur, et comment Mlle de la Prise était une bien bonne demoiselle, il me demanda d’où j’étais, et combien je gagnais, et si j’aimais ma profession. Et quand ensuite il voulut s’en aller, je sortis pour lui ouvrir la porte, et en passant il mit un gros écu dans ma main : je crois bien qu’il me serra la main, ou qu’il m’embrassa. Et quand je rentrai dans la chambre, l’une de mes maîtresses et la Marie Besson se mirent à me regarder, et je dis à la Marie : qu’avez-vous donc tant à me regarder ? et ma maîtresse me dit : et toi, pourquoi deviens-tu si rouge ? et quel mal te fait-on en te regardant ? et moi je dis : hé bien, à la garde ? et je me mis à travailler, à moitié aise et à moitié fâchée. Et le lendemain, comme nous étions en journée, je courus à fière aube(4) chez la Jeanne-Aimée pour tout ça lui dire, et nous jaublâmes(5) ensemble que j’achèterais de mes trois petits écus un mouchoir de gaze, et un pierrot(6) de gaze avec un grand fond, et un ruban rouge pour mettre avec. Et le dimanche en allant à l’église, je rencontrai le Monsieur, qui ne me reconnut presque pas, à cause de ma coiffe et de mon mouchoir ; c’est qu’il ne m’avait vue que des jours sur semaine. Et plusieurs jeunes Messieurs du comptoir de Monsieur… dirent que j’étais bien jolie, et ne dirent rien de la Marie Besson, qui était déjà bien gringe, et que cela engringea encore plus ; et tout le jour elle ne voulut plus me tutoyer, et ne m’appela plus que Mademoiselle. Mais ç’a été bien pire le



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