Le Mythe national by Suzanne Citron

Le Mythe national by Suzanne Citron

Auteur:Suzanne Citron
La langue: fra
Format: epub
Tags: L'histoire de France revisitée
Éditeur: Éditions de l'Atelier


Les paradoxes de Seignobos

Coauteur, avec Charles-Victor Langlois, d'un manuel d'Introduction aux études historiques, un « discours de la méthode » des historiens positivistes, Seignobos a fait un peu figure de bouc émissaire pour les détracteurs de l'école méthodique, qui allaient, dans les années 1930, se réunir autour de Marc Bloch et de Lucien Febvre, fondateurs des Annales d'histoire économique et sociale. Dans un livre destiné au grand public, l'Histoire sincère de la nation française{170}, l'auteur entend décrire une genèse, un processus. « J'ai voulu, écrit-il dans son introduction, expliquer par quelle série de transformation s'est constituée la nation française{171}. » Il critique explicitement la notion de continuité dynastique héritée des anciens chroniqueurs. « Les historiens, habitués à voir la royauté héréditaire, s'imaginaient que la France avait passé successivement sous trois familles royales, appelées aussi “races” ; les Mérovingiens jusqu'en 753, les Carolingiens jusqu'en 987, les Capétiens. C'est cette succession des trois dynasties qui s'enseignait dans les écoles. » Sans dire un mot du sacre, il lie la continuité capétienne au hasard d'une « descendance directe de mâle en mâle de 987 à 1316{172}. »

Il insiste, d'autre part, sur la diversité des populations françaises. « La nation française est plus hétérogène qu'aucune autre nation d'Europe ; c'est en vérité une agglomération internationale de peuples [...]. Il n'y a jamais eu de droit ni de langues communs à toute la population, et il faut une ignorance totale de l'anthropologie pour parler de “race française”. La France n'a jamais eu de frontières ethnographiques ni linguistiques. Ses frontières n'ont été que géographiques ou politiques ; elles ne se sont formées que très lentement et par une série d'accidents. » Récusant la notion d'« ancêtres gaulois », il écrit : « Les Français sont un peuple de métis ; il n'existe ni une race française, ni un type français{173}. »

Seignobos aurait-il ébauché la rupture avec l'historiographie de la nation gauloise, démythifié cette France préexistante, qui se révèle au cours des temps comme une décalcomanie trempée dans l'eau ? À l'inverse de Michelet, Seignobos assigne à la nation un commencement historique, aux XIIe-XIIIe siècles. Mais c'est une création miraculeuse analogue, écrit-il, au miracle grec (expression aujourd'hui dépourvue de sens depuis les travaux de Jean-Pierre Vernant et de Marcel Detienne sur les mythes et la pensée grecs{174}). « C'est par une floraison spontanée sans précédent, comparable à ce qu'on a appelé le “miracle grec” que se produit la civilisation française, radicalement différente des civilisations antiques orientale ou méditerranéenne. » Cette civilisation germe dans un espace défini, « un territoire restreint autour de Paris, limité à la Normandie, la région parisienne, la Picardie, la Champagne, peut-être avec l'aide de quelques personnages “aquitains” venus de l'Ouest{175} ».

Au lieu que la nation provienne du fond des âges, elle surgit mystérieusement en deux siècles. Mais dès lors tout s'enchaîne et l'on retombe dans le déterminisme d'une évolution inéluctable et dans la description d'une société globale, certes divisée en catégories sociales, mais « une » dans l'espace. « C'est sous l'action de



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.