Le Murmure des vagues by Eduard von Keyserling

Le Murmure des vagues by Eduard von Keyserling

Auteur:Eduard von Keyserling [Keyserling, Eduard von]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Littérature allemande
Éditeur: Actes Sud
Publié: 1988-11-14T23:00:00+00:00


Ma mère ne m’aime pas

Je n’ai point d’ami

Oh, pourquoi je ne meurs pas

Que faire ici ?

Tous se joignirent à lui, même la générale, les jeunes filles aussi, les mains pliées sur leur giron, leurs yeux brillants fixés droit devant elles, et le crépuscule retentit de leurs voix de soprano aiguës et plaintives. Doralice s’abandonna à l’engourdissement d’un bien-être dans lequel sa propre voix l’avait bercée, bien-être d’où elle chassait toute pensée, car, elle le sentait bien, il y avait, se tenant aux aguets, quelques petites pensées fâcheuses prêtes à pointer, entre autres la façon embarrassée et condescendante dont la baronne Buttlär lui avait parlé comme les mères de famille s’adressent habituellement lors des manifestations de charité à des actrices venues d’ailleurs, ou alors le souvenir récent des œillades du baron pendant la danse, peu convenables avec une femme inconnue. Non, elle ne voulait pas y penser, elle voulait chanter. Elle regarda vers Hans. Il ouvrait grand la bouche, uniquement préoccupé de faire retentir sa belle voix de ténor. La chanson terminée, tous se turent un moment, peuplant le crépuscule de leurs rêveries comme s’ils avaient peur de réveiller ce qu’ils venaient d’endormir par une berceuse. Enfin, montre en main, le conseiller déclara : « A présent, le feu d’artifice, mais pas celui qu’on trouve dans le commerce. Mon feu d’artifice est la lune qui doit se lever à l’instant même. Veuillez donc monter avec moi là-haut. »

« Vous permettrez à ma fille et à moi-même de rester ici, dit la générale, à mon âge, j’ai souvent vu la lune se lever. »

« A votre aise, répondit le conseiller, bien que je croie que ma lune à moi soit particulière. Donc, si vous voulez me suivre. » Il se mit à la tête du cortège avec Mlle Bork. Il fallait grimper jusqu’en haut d’une colline. Le baron Buttlär marcha à côté de Doralice, d’une voix tendre et chantante, il parla de la paix de la nature vespérale, des peines et des soucis de l’agriculture. Hélas, elle était devenue une industrie qui laisse peu de place à la poésie. Mais quand lui, Buttlär, se promenait parfois dans les champs, le soir, seul avec ce qu’il y avait planté, il sentait quand même quelque chose de poétique dans la nature. Malheureusement, de nos jours, dans le combat pour la survie, les instants étaient trop rares où l’on pouvait écouter la voix de son cœur. En haut de la colline, ils se rassemblèrent pour regarder la ligne noire de la forêt au-dessus de laquelle la lune se levait, énorme et rouge. « Ma balle lumineuse », dit le conseiller et Mlle Bork ajouta que la nature était en définitive plus belle que tout artifice. Après être restés un bon moment là-haut sans pouvoir cependant dire quelque chose d’original sur la lune, ils prirent le chemin du retour. Hilmar s’accapara Doralice avec détermination. Le chemin passait devant une tréflière humide qui répandait un parfum douceâtre. Des traînées de brume striaient l’espace au-dessus du champ, des



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