Le Ministère du Bonheur Suprême by Roy Arundhati

Le Ministère du Bonheur Suprême by Roy Arundhati

Auteur:Roy,Arundhati [Roy,Arundhati]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature étrangère
ISBN: 9782072727337
Éditeur: Gallimard
Publié: 2018-01-14T23:00:00+00:00


APRÈS LE COUP DE FIL PASSÉ à minuit par Biplab Das-Goose-da de Dachigam, plusieurs heures et quelques appels téléphoniques discrets furent nécessaires à Naga pour effectuer les arrangements indispensables à son déplacement de l’Ahdoos au Shiraz. Le couvre-feu avait été instauré, Srinagar verrouillée. Les mesures de sécurité étaient déployées en prévision de la procession funéraire organisée pour les individus tués au cours du week-end, prête à se déchaîner dans les rues le lendemain matin. L’ordre de tirer à vue avait été donné. Circuler dans la ville cette nuit-là frisait l’impossible. Quand Naga eut réussi à mobiliser un véhicule, à se procurer des laissez-passer pour le couvre-feu et les points de contrôle et à obtenir un permis d’entrée au Shiraz, l’aube allait se lever.

Une ordonnance l’attendait devant le hall du cinéma, près du guichet des billets transformé en poste de garde. L’homme lui apprit que Major Sahib (Amrik Singh) était parti, mais que son adjoint allait le recevoir. Il escorta Naga jusqu’à l’arrière du bâtiment, le fit monter au premier étage par un escalier de secours dans une petite pièce sombre qui faisait office de bureau et le pria de prendre un siège. « Sahib », dit-il, serait là dans une minute. En entrant, Naga n’avait aucun moyen de savoir que la silhouette en pheran et passe-montagne assise sur une chaise dos à la porte était Tilo. Il ne l’avait pas vue depuis longtemps. Quand elle se retourna, plus que l’expression de son regard, ce fut l’effort qu’elle fit pour sourire et dire bonjour qui l’inquiéta. Pour lui, c’était signe qu’elle était brisée. Ce n’était pas elle. Elle n’était pas femme à sourire et à dire bonjour. Ses amis proches avaient appris au fil du temps qu’avec Tilo cette absence de politesse était en fait une brusque déclaration d’intimité. Grâce au port du passe-montagne, ce qu’ils appelèrent plus tard la « coupe de cheveux » ne se remarquait pas immédiatement. Naga n’y vit d’abord qu’une réaction exagérée d’Indienne du Sud contre le froid. (Il avait toute une panoplie de blagues sur les Indiens du Sud et le passe-montagne, qu’il racontait avec les accents correspondants et un bel aplomb, sans crainte de froisser, parce qu’il était lui-même à moitié sud-indien.) Aussitôt qu’elle l’aperçut, Tilo se leva et se dirigea rapidement vers la porte.

« C’est toi ! Je croyais que Garson…

— Il m’a appelé. Il est à Dachigam avec le Gouverneur. Moi, il se trouve que j’étais en ville. Tu n’as rien ? Et Musa ? Était-ce… ? »

Il lui entoura les épaules d’un bras. Elle ne tremblait pas, elle vibrait, comme si un moteur était en marche sous sa peau. Une pulsation rapide faisait tressauter un côté de sa bouche.

« Peut-on y aller ? Partons-nous… ? »

Avant que Naga ait pu lui répondre, Ashfaq Mir, le Commandant adjoint du Shiraz Cinema JIC, entra, précédé par les puissants effluves de son eau de toilette. Naga lâcha l’épaule de Tilo et abaissa son bras avec un sentiment de culpabilité à l’idée qu’on pût le soupçonner d’inconduite.



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