Le Milieu des mondes by Jean-Pierre Filiu

Le Milieu des mondes by Jean-Pierre Filiu

Auteur:Jean-Pierre Filiu
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions du Seuil
Publié: 2021-07-26T08:53:19+00:00


La guerre de Crimée

La France revendique depuis Louis XIII une mission de « protection » des Catholiques du Moyen-Orient, rôle que la République, la Restauration et la monarchie de Juillet continuent d’assumer avec constance, notamment en encourageant les ordres missionnaires dans la région. La décennie de domination d’Ibrahim Pacha sur le Levant, à partir de 1831, est d’autant plus favorable aux visées françaises que l’administration égyptienne lève le veto ottoman à l’installation de consuls européens à Jérusalem. Mais c’est la Grande-Bretagne qui saisit la première cette opportunité en installant, dès 1839, une légation dans la Ville sainte. La présence protestante, et a fortiori anglicane, étant très limitée en Palestine, les instructions du consul britannique prescrivent « la protection de la nation juive12 ». La Prusse ouvre sa représentation à Jérusalem en 1842, suivie par la France l’année suivante. La Russie, pour faire pièce aux « droits » de protection de Paris sur les Catholiques et, désormais, de Londres sur les Juifs, exige avec vigueur un « droit » comparable pour les Orthodoxes, jouant sur l’assimilation entre le patriarcat de Jérusalem et l’Église de Russie, fondée pourtant un millénaire plus tard.

Les prétentions de Saint-Pétersbourg sur les Orthodoxes ottomans sont d’autant plus inacceptables que ces Roum13 représentent plus du tiers de la population de l’empire. Mais les Grecs-Orthodoxes de Jérusalem disposent d’une préséance effective dans les Lieux saints, du fait de l’antériorité de leur présence et de jurisprudences ottomanes en leur faveur. La querelle qui éclate avec les Catholiques, en 1847, dans la basilique de la Nativité de Bethléem va progressivement s’internationaliser, avec l’engagement du président Louis-Napoléon Bonaparte contre le tsar Nicolas Ier. Le sultan ottoman met de longues années avant de trancher le différend en faveur des Orthodoxes par un firman de 1852. Ce décret, bientôt complété par d’autres décisions, constitue la base du statu quo qui régit depuis lors les Lieux saints de Jérusalem, entre autres chrétiens. C’est d’ailleurs en 1853 qu’apparaît la première carte délimitant, dans la vieille ville de Jérusalem14, les « quartiers » musulman, chrétien, arménien et juif, alors même que la population de ces différents quartiers reste mixte.

Le tsar Nicolas Ier, recevant l’ambassadeur britannique au tout début de 1853, qualifie l’Empire ottoman d’« homme malade » et envisage tacitement un partage de ses territoires, dont la France serait exclue. Il exige peu après de la Sublime Porte une « protection » intrusive des populations orthodoxes qui équivaudrait à une forme de cogestion de l’empire en sa faveur. Le refus attendu du sultan ottoman entraîne la destruction de sa flotte en mer Noire par la marine tsariste. Napoléon III, qui vient de fonder le Second Empire, décide en 1854 de nouer la première alliance franco-britannique en plus d’un siècle, dans le but de contrer une telle expansion russe. Londres et Paris portent l’essentiel de leurs efforts sur la péninsule de Crimée, tandis que les forces ottomanes tentent en vain de reprendre l’initiative dans le Caucase. La Russie, handicapée par une logistique déficiente, doit reconnaître sa défaite en 1856.



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