Le Livre de Memory by Gappah Petina

Le Livre de Memory by Gappah Petina

Auteur:Gappah, Petina [Gappah, Petina]
La langue: fra
Format: epub
Tags: G
Éditeur: JC Lattès
Publié: 2015-01-14T23:00:00+00:00


2.

J’ai lu dans une de vos chroniques que, la veille de leur exécution, les détenus du couloir de la mort d’un des États du Sud, le Texas ou la Georgie, je ne me souviens plus, demandent généralement, pour leur dernier repas, des plats qui leur rappellent leur enfance. Et comme un nombre disproportionné de détenus du couloir de la mort sont des Noirs du Sud rural, ces derniers repas ont tendance à être composés de la nourriture des pauvres, poulet frit, chou vert, gruau de maïs et tarte à la patate douce.

Je ne pense pas vouloir la moindre nourriture la veille de ce matin-là. J’imagine qu’elle aurait un goût de cendres. Et comment pourrais-je avaler cette dernière bouchée, ce dernier morceau, sachant que ce serait le dernier à tout jamais ? Je voudrais seulement boire du vin, je pense. Non – de la vodka peut-être : une vodka forte, bon marché et en grande quantité, de quoi me mettre KO pendant la nuit et faire resplendir le lendemain matin.

Quand j’ai demandé à Loveness, dimanche, si nous avions cette tradition du dernier repas ici, elle a fait claquer sa langue et dit :

— Vous savez bien que nous ne parlons pas de ça ici.

Chaque fois que j’aborde le sujet de ma sentence, Loveness se comporte comme une maîtresse de maison particulièrement critique dont l’invité le moins important vient de commettre un irréparable faux pas. Lorsque je lui ai raconté que les gens, en Amérique, pouvaient manger ce qu’ils voulaient pour leur dernier repas, elle a répété que je ne devrais pas penser à des choses pareilles et que, de surcroît, je ferais bien de me dépêcher de sortir de ma cellule parce que j’avais une visite.

J’étais surprise. Comme je vous l’ai dit auparavant, je n’ai jamais eu une seule visite pendant les deux années que j’ai passées ici, en dehors des gens de la Fraternité de la Bonne Volonté. Vernah Sithole et vous, vous ne comptez pas comme des visites parce que vous venez me voir grâce à une dispense spéciale de la Surintendante en chef. Comme vous avez pu le constater la semaine dernière, vous pouvez entrer et sortir quand vous voulez, pour autant que vous annoncez votre visite à l’avance et que vous ne veniez pas plus de deux fois par semaine. Ce ne sont donc pas des visites au sens ordinaire.

J’ai pensé que c’était peut-être une des femmes de la Fraternité de la Bonne Volonté, même si j’étais sûre que ce ne serait pas celle qu’ils avaient envoyée la dernière fois.

— Est-ce que vous supportez les conditions de vie en prison à présent ? avait demandé la femme qui était venue me voir. Est-ce qu’il y a quelque chose qui vous manque, qui vous manque vraiment ?

Son visage resplendissait la sympathie simulée. Quelque chose dans sa parfaite assurance m’avait rendue sauvage. Ce qui me manque, me manque vraiment ? Vraiment, vraiment. Pas une chose en particulier. Tout, absolument tout. Les livres, les livres, les livres, les livres. Le savon.



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