Le lecteur de cadavres by Garrido Antonio

Auteur:Garrido, Antonio [Garrido, Antonio]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Grasset
Publié: 2014-03-18T23:00:00+00:00

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L’hiver passa rapidement, mais le printemps pénétra l’âme de Cí.

Il se réveillait souvent tremblant, il regardait désespérément le vide, cherchant le fantôme de Troisième dans l’obscurité la plus totale. Il la cherchait autant avec ses yeux qu’avec son cœur. Il passait ensuite le reste de la nuit à trembler, terrorisé par son absence et par celle d’une famille qu’il lui semblait parfois n’avoir jamais eue. En de telles occasions, il se souvenait avec nostalgie du juge Feng. Il avait autrefois voulu savoir où il se trouvait, mais à présent les choses se passaient bien à l’académie, et il avait en outre la conviction que s’il entrait dans sa vie, sa condition de fugitif le déshonorerait tôt ou tard.

Un soir de congé, il décida de chercher de la compagnie au Palais du Plaisir.

La fleur qu’il choisit fut aimable avec lui. Cí pensa même qu’elle était douce. Ses caresses ne s’arrêtèrent pas devant ses brûlures et ses lèvres le parcoururent d’une manière qu’il n’avait jamais imaginée. Il lui donnait ses qian et elle calmait sa solitude.

Il y retourna la semaine suivante, puis la suivante et encore celle d’après. Ainsi jusqu’à ce qu’un soir de brouillard il tombât sur Astuce Grise assis à la table même où, quelques mois plus tôt, il l’avait trompé. Sa seule vue lui retourna l’estomac. Le jeune fonctionnaire buvait avec entrain, entouré d’une cohorte d’idiots qui riaient de ses plaisanteries sans prêter attention à la vilaine cicatrice de sa lèvre, lorsqu’il l’aperçut. Cí voulut s’éclipser, mais alors qu’il allait atteindre la porte, Astuce Grise l’arrêta. Il s’approcha lentement de lui, l’attrapa par le cou et lui ordonna de le regarder. Les amis qui l’accompagnaient le saisirent aussi.

Comme il ne sentait pas les coups, ceux-ci se firent plus violents, plus sauvages. Ils ne s’arrêtèrent que lorsqu’il fut inerte. Ils s’acharnèrent contre lui.

Il se réveilla à l’académie, soigné par Ming. L’homme passait une serviette humide sur son front avec la délicatesse d’une mère veillant sur son petit. Cí pouvait à peine bouger. Il pouvait à peine voir. Le noir l’enveloppa. Lorsque de nouveau il se réveilla, Ming était toujours là. Il entendit sa voix, mais ne comprit pas ce qu’il disait. Il ne sut combien de temps s’écoulait avant de pouvoir comprendre.

Le maître lui dit qu’il était resté trois jours inconscient. Une jeune fille, qu’apparemment il connaissait, l’avait prévenu de son état et, accompagné de plusieurs élèves, il était allé le chercher.

— D’après ce qu’elle a dit, plusieurs inconnus t’ont attaqué. C’est du moins ce que j’ai raconté ici.

Cí essaya de se lever, mais Ming l’en empêcha. Le guérisseur qui lui avait rendu visite avait prescrit le repos jusqu’à ce que les côtes brisées soient guéries. Il devait garder le lit pendant deux ou trois semaines. Assez pour perdre les cours les plus importants. Mais Ming lui dit de ne pas s’inquiéter. Il lui prit la main avec la même douceur qu’une fleur.

— Je veillerai sur toi.

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