Le labyrinthe des gardiens by Marie Brennan

Auteur:Marie Brennan [Brennan, Marie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy
ISBN: 2841728501
Éditeur: L'Atalante
Publié: 2018-05-23T22:00:00+00:00

Je n’ai pas eu l’occasion de parler de la mère du désert ni du père du désert de Suhail, et je me dois d’y remédier à présent.

Comme pour beaucoup des relations dont il est question dans ces mémoires, celle que je m’apprête à décrire se déroula sur une longue période de temps, émaillée de nombreuses conversations et de moments de complicité. Je n’apprends pas tout d’un seul horrible coup (une expression, soit dit en passant, qui trouve son origine dans les descriptions de dragons en train de chasser1). Par commodité, je vais toutefois condenser ces événements et aplanir les inévitables problèmes linguistiques afin de ne pas trop abuser de la patience de mes lecteurs.

J’en vins à connaître Umm Azali bien mieux que son mari. Ce fut en général le cas dans la plupart des endroits où je me suis rendue, à l’exception de Kéonga, où ma plus grande alliée était considérée comme n’étant ni mâle ni femelle. De manière générale, j’étais plus proche des membres de mon propre sexe. Ce phénomène est une extension de la ségrégation dont j’ai fait l’objet dans mon propre pays. Elle implique que la conversation des femmes n’intéresse que les autres femmes, de même que celle des hommes n’intéresse qu’eux, et que les deux se rencontrent rarement. Je m’étais efforcée de contrecarrer cela à l’Université volante. Chaque expédition me plaçait néanmoins dans un nouvel environnement social, et je ne possédais ni le temps ni l’énergie de poursuivre cette tâche, sauf lorsque c’était nécessaire à mon travail. (Je ne me rendis compte que longtemps après avoir quitté le désert que les nomades aritats me traitèrent dans une certaine mesure comme un homme. Cela se produit souvent avec les veuves ou les divorcées, ou avec les femmes trop vieilles pour encore porter des enfants : séparées de ce marqueur principal de la féminité qu’est la maternité, la distance supposée entre elles et le monde des hommes se réduit. Je vais m’abstenir de commenter ce phénomène, sauf pour noter que mon statut de veuve et mon absence d’enfant me plaçaient une fois de plus dans une zone floue – mais pas autant que celle qui existait à Kéonga.)

Umm Azali et moi ne devînmes jamais ce que je qualifierais de « proches », en grande partie parce que je passais énormément de temps dans le désert, à poursuivre des dragons, plutôt qu’au campement. Elle se montra néanmoins irréprochablement amicale, ce que j’attribue à mon association avec Suhail. Lui parler de lui me parut donc parfaitement naturel.

« Depuis combien de temps le connaissez-vous ? demandai-je un jour.

— Depuis son enfance, répondit-elle. Il est resté quatre ans chez nous, pour son confiage. Son neveu Jafar viendra l’année prochaine, dans le même but. Personne ne suivrait un cheik qui ne connaît pas le désert ! »

Je recousais une grande déchirure dans l’une de mes robes qui s’était accrochée à un buisson épineux ; Umm Azali préparait du pain. Sur le terrain, beaucoup de mes conversations se sont déroulées ainsi, tandis que l’une

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