Le fruit de la passion by Laurence Hesse

Le fruit de la passion by Laurence Hesse

Auteur:Laurence Hesse [Hesse, Laurence]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Memory
Publié: 2014-11-15T00:00:00+00:00


Chapitre 5

Une gamba sautée dans un bouillon tenu secret

Ce jeudi-là, père Jean est arrivé un peu avant l’ouverture du restaurant pour le service du soir. Il est entré droit à la cuisine où je terminais de passer une éponge vinaigrée sur les plans de travail.

– Viens dans le salon Éloïse, j’ai des choses à te dire. Sandrine, apporte-moi un Orval bien frais.

Nous nous sommes assis dans les fauteuils du petit salon. L’abbé s’est éclairci la voix en versant le contenu de la bouteille de bière dans le verre. Il a croisé les doigts sous son menton, ses coudes reposaient sur son ventre rebondi, et il a commencé à parler tout en me fixant du regard.

– Ma fille, tu dois savoir qu’il y avait peu d’habitants à Toernich dans les années cinquante, trois cents âmes peut-être. Ce qui veut dire peu de jeunes aussi, et nous nous connaissions tous. Nous étions toujours ensemble à chaque occasion festive et soudés comme les doigts de la main pour faire gagner l’équipe de football du patelin, dans laquelle nous jouions tous, évidemment. C’est le père de ta grand-mère, Albert, qui nous en traînait. Il était très apprécié dans le village.

Je ne disais rien. Je l’écoutais et j’essayais de ne pas baisser le regard, mais sa façon de me parler me dérangeait déjà. D’abord je n’étais pas plus sa fille qu’il n’était mon père, et surtout, il semblait avoir l’art de tourner autour du pot et j’avais du travail.

– Nous étions une bande fortement unie. Il y avait les jumeaux, Pierre et Romain, Franz, que tu as vu avec moi la semaine dernière, Carly, qui est malade, le pauvre, et Georges, qui est décédé d’un accident de voiture.

– Je sais déjà tout cela.

– Ah bon, c’est que tu as bien avancé dans tes recherches. Ta grand-mère, Gisèle, était la fille de l’entraîneur de foot.

– Ça, vous venez de me le dire.

– Oui, mais c’est important. En plus elle était jolie, spitante, pleine de vie, une jeune femme poupée. Tous les gars du village auraient bien aimé flirter avec elle. Mais elle ne voulait personne, aucun d’entre nous n’avait sa grâce, à part peut-être Carly Miren, qui était le plus vieux. Les filles sont toujours attirées par les aînés, non ?

Il m’a dit cela en tentant de faire un clin d’œil ce qui lui a fait froncer tout le crâne. J’ai trouvé sa grimace complètement déplacée. J’ai levé les sourcils. Il a continué à m’énoncer les diverses possibilités, comme si je n’y avais pas déjà pensé sans son aide.

– Ou peut-être était-ce pour Georges que son cœur battait, il était bon footballeur et déjà connu dans toute la région ? Ou bien pour Franz, c’était le fils de la plus grosse ferme du village ? Ou encore pour les deux jumeaux, deux plutôt qu’un, ça ne se refuse pas, n’est-ce pas ?

J’ai secoué la tête de gauche à droite en faisant la moue, puis je lui ai répondu :

– Ou pour un futur curé, c’est le fantasme de beaucoup de femmes !

– Tu as raison, j’ai entendu dire cela.



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