Le Droit de mentir by Benjamin Constant

Le Droit de mentir by Benjamin Constant

Auteur:Benjamin Constant [Constant, Benjamin]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Un principe reconnu vrai, dit l’auteur (j’ajoute : connu a priori14, par conséquent apodictique), ne doit jamais être abandonné, quels que soient ses dangers apparents. Or il faut entendre ici, non pas le danger de nuire (accidentellement), mais en général celui de commettre une injustice, ce qui arriverait si je faisais du devoir de la véracité, qui est tout à fait absolu et constitue la suprême condition juridique de toute déclaration, un principe subordonné à telle ou telle considération particulière; et, quoique par un certain mensonge je ne fasse dans le fait d’injustice à personne, je viole en général le principe du droit relativement à toute déclaration inévitable (je commets formaliter, sinon materialiter, une injustice15, ce qui est bien pis que de commettre une injustice à l’égard de quelqu’un, car ce dernier acte ne suppose pas toujours dans le sujet un principe à cet égard.

Celui qui accepte la demande qu’un autre lui adresse, de répondre si, dans la déclaration qu’il va avoir à faire, il a ou non l’intention d’être véridique, celui, dis-je, qui accepte cette demande sans se montrer offensé du soupçon qu’on exprime devant lui sur sa véracité, mais qui réclame la permission de réfléchir d’abord sur la possibilité d’une exception, celui-là est déjà un menteur (in potentia16; car il montre par là qu’il ne regarde pas la véracité comme un devoir en soi, mais qu’il se réserve de faire des exceptions à une règle qui par son essence même n’est susceptible d’aucune exception, puisque autrement elle se contredirait elle-même.

Tous les principes juridiquement pratiques17 doivent renfermer des vérités rigoureuses, et ceux qu’on appelle ici des principes intermédiaires ne peuvent que déterminer d’une manière plus précise leur application aux cas qui se présentent (suivant les règles de la politique), mais ils ne peuvent jamais y apporter d’exceptions, car elles détruiraient l’universalité à laquelle seule ils doivent leur nom de principes.

1 « J. D. Michaelis de Gœttingen a avancé cette opinion singulière avant Kant. Mais l’auteur de cet écrit m’a dit à moi-même que Kant était le philosophe dont il est question dans ce passage. » Note originale de K.-Fr. Cramer, éditeur de la revue par laquelle Kant a pris connaissance du texte de Constant dans sa traduction allemande. Kant ajoute ici le commentaire suivant : « J’admets que j’ai bien dit cela quelque part, mais aujourd’hui je ne me souviens plus où. » 26. Proton pseudos, qui signifie aussi bien l’erreur

première que le premier mensonge, une ambivalence dont Kant joue sans doute ici (Constant non seulement commet une erreur dans son analyse, mais produit un mensonge sur le mensonge).

27. Cf. Kant, Annonce de la prochaine conclusion d’un traité de paix perpétuelle en philosophie (1796), AK VIII, 421 : « Il se peut que tout ce qu’un homme tient pour vrai ne le soit pas (car il peut se tromper) ; mais, en tout ce qu’il dit, il lui faut être véridique (il ne doit pas tromper), que son aveu soit simplement intérieur (devant Dieu) ou qu’il soit également extérieur. » (traduction Jean-François Poirier et Françoise Proust.



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