Le dragon du roi squelette by Serge Brussolo

Le dragon du roi squelette by Serge Brussolo

Auteur:Serge Brussolo [Brussolo, Serge]
La langue: fra
Format: epub
Tags: SF
Publié: 2010-06-01T12:30:13+00:00


CHAPITRE VII

Ils reprirent connaissance à l'aube. Servallon titubait, hagard, mal remis de ses frayeurs. Comme ses compagnons il était couvert d'hématomes et d'estafilades, mais ne souffrait d'aucune blessure sérieuse. Junia chargea Shagan sur ses épaules, et poussa la porte du grenier. Ils se trouvaient dans une vaste maison aux murs blanchis à la chaux. Les paravents, les poteries, la vaisselle ouvragée abandonnée sur les tables, trahissaient une aisance certaine. De nombreuses statues de marbre jalonnaient les couloirs, mais, comme le reste, elles étaient couvertes de poussière et de toiles d'araignée.

— Ou la maison est abandonnée, ou personne ne se soucie plus d'y faire le ménage, remarqua Shagan en fronçant les sourcils.

Des instruments de musique, des livres, avaient été jetés en vrac au pied d'une bibliothèque. Un peu partout, de la nourriture achevait de pourrir dans des assiettes. Les compotiers débordaient de fruits tavelés qui répandaient une odeur suspecte. Sur un plat d'or, une douzaine de poulets rôtis se décomposaient. Certains d'entre eux portaient des marques de morsures, comme si on avait commencé à les grignoter sans trouver le temps d'aller plus loin.

Junia s'approcha d'une fenêtre. Les rues étaient désertes et la ville silencieuse. Les façades blanches, quoique majestueuses, respiraient la désolation. Une atmosphère de ville fantôme planait sur la cité, distillant un affreux malaise.

— C'est ça, Kromosa? murmura Shagan. A première vue, ça ne paraît guère plus riant que la zone d'ombre!

Junia hocha la tête, pourtant ici on n'apercevait aucune ruine, et la moindre bâtisse croulait sous l'opulence de son architecture. Dehors ce n'était que statues triomphantes dressées sur des piédestaux dorés à la feuille, portiques à colonnes, fontaines à jets d'eau multiples.

— Peu importe, soupira Junia, nous ne sommes pas là en villégiature, localisons le palais et finissons-en !

Ils traversèrent une salle de banquet aux tables surchargées de nourriture pourrissante. Sur un sofa de velours rouge, une femme maigre fixait le plafond, les yeux grands ouverts. Elle portait une robe de patricienne, de soie fine, qui dissimulait mal son corps décharné. Junia s'approcha d'elle et constata avec surprise que l'inconnue n'avait guère plus d'une vingtaine d'années, mais l'extrême maigreur qui ravageait ses traits et creusait sont visage lui donnait l'aspect d'une vieille femme abîmée dans un rêve infini. .

— Ça ne va pas? interrogea la géante. Vous avez besoin d'aide?

L'inconnue tressaillit et parut sortir de sa léthargie. Tournant la tête avec lassitude, elle posa son regard sur Junia.

— Je me sens faible, dit-elle d'une voix blanche, je n'ai rien mangé depuis si longtemps...

Shagan fronça les sourcils. Comment pouvait-on mourir de faim au milieu d'un tel gâchis de nourriture?

— Aidez-moi, gémit la femme en se relevant sur un coude, donnez-moi votre main.

Junia, croyant qu'on attendait d'elle un appui, obtempéra. A peine avait-elle posé les doigts sur l'épaule de la femme maigre que celle-ci lui mordit sauvagement le poignet, comme si elle voulait prélever sur ce bras un morceau de chair saignante. La géante poussa un cri de surprise et se dégagea, rejetant la démente sur son lit de velours.

— Non, supplia celle-ci, ne partez pas.



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