Le devoir de violence by Ouologuem Yambo

Le devoir de violence by Ouologuem Yambo

Auteur:Ouologuem,Yambo [Ouologuem,Yambo]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature française
ISBN: 9782020011099
Éditeur: Editions du Seuil
Publié: 2018-05-02T22:00:00+00:00


Une silhouette s’enfonça dans la savane : Kassoumi, qui revenait de sous son bananier, et qui avait tout vu. Alif minptjè !

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Dénoncé par Kassoumi, renié par les notables, emprisonné par Vandame, Sankolo fut banni par Saïf, qui, habile idéologue (par haine du scandale occasionné par le meurtre d’Awa), rehaussa le cours de la spéculation sur la bourse de l’art nègre, fabulant, à la sauce de la tradition et de ses « valeurs humaines », une cuisine d’art symbolique, religieux, pur, qu’il exporta à Vandame, lequel la rapporta à ses correspondants, lesquels (Dieu bénisse leur innocence) la colportèrent aux curieux, touristes, étrangers, colons, ethnologues, sociologues affluant en masse au Nakem. Trève de redondances infécondes et anachroniques, voilà l’art nègre baptisé « esthétique » et marchandé – oye ! – dans l’univers imaginaire des « échanges vivifiants » !

« Bien souvent, inventa Saïf, les outils qui servent à sculpter le masque ont reçu, par septante-sept fois, la bénédiction du prêtre se flagellant jusqu’au jour troisième à dater de l’an septième du choix de l’arbre abattu, lors d’expressions révélant la conception du monde. »

« La plante, poursuivait Shrobénius, germe, porte son fruit, meurt, et renaît quand la semence germe. La lune se lève, croît jusqu’à être pleine, pâlit, décroît et disparaît, pour reparaître à nouveau. Le destin de l’homme, tout ainsi que celui de l’art nègre, n’est pas différent : comme la graine et l’astre, le jeu symbolique de cet art est dévoré par la terre et renaît, sanctifié – doué maintenant de la force nécessaire à l’accomplissement – sur les hauteurs sublimes du drame et de la tragédie du jeu cosmique des astres. » L’art nègre se forgeait ses lettres de noblesse au folklore de la spiritualité mercantiliste, oye oye oye…

Mais l’audience du Tout-Puissant est infinie, qui, comblant les vœux de tout ce monde, souffla à Shrobénius l’intuition lunatiquement géniale de clamer, parlant du Nakem, de sa civilisation et de son passé : « Mais ces gens sont policés, civilisés jusqu’aux os ! Partout, avenues larges, calmes, paisibles, où l’on respire la grandeur d’un peuple, son génie humain… Il a fallu que l’impérialisme blanc s’infiltrât là, avec sa violence, son matérialisme colonisateur, pour que ce peuple si civilisé, brusquement dégringolât à l’état sauvage, se vît taxé de cannibalisme, de primitivisme, alors qu’au contraire – témoin : la splendeur de son art –, la grandeur des empires du Moyen ge constituait le visage vrai de l’Afrique, sage, belle, riche, ordonnée, non violente et puissante tout autant qu’humaniste – berceau même de la civilisation égyptienne. »

Salivant ainsi, Shrobénius, de retour au bercail, en tira un double profit : d’une part, il mystifia son pays, qui, enchanté, le jucha sur une haute chair sorbonicale, et, d’autre part, il exploita la sentimentalité négrillarde – par trop heureuse de s’entendre dire par un Blanc que « l’Afrique était ventre du monde et berceau de civilisation ».

La négraille offrit par tonnes, conséquemment et gratis, masques et trésors artistiques aux acolytes de la « shrobéniusologie ». Ah… Seigneur, une



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