Le corps, les rites, les rêves, le temps by Jean-Claude Schmitt

Le corps, les rites, les rêves, le temps by Jean-Claude Schmitt

Auteur:Jean-Claude Schmitt
La langue: fra
Format: epub
ISBN: EPUB9782072269493-103021
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2013-10-14T16:00:00+00:00


DES IMAGES DE MASQUES

Sans prétendre à l'exhaustivité, je voudrais présenter quelques images de masques susceptibles de mieux faire comprendre la place des masques dans la culture médiévale.

La première (ill. 4) figure au premier folio d'un psautier du second quart du XIIe siècle, peut-être originaire de Reims18. Cette enluminure présente, dans deux compartiments superposés, en haut David assis sur son trône et jouant de la lyre, entouré de ses musiciens et, en bas, un homme entièrement recouvert de la peau et de la tête d'un ours, debout, frappant sur un tambour suspendu à son cou. Il est entouré de deux musiciens et de plusieurs danseurs. La disposition d'un compartiment au-dessus de l'autre et le fait que le premier ait une superficie légèrement plus grande que le second introduisent une hiérarchie entre les deux. Entre eux il n'y a pas pourtant de véritable opposition : mis à part le roi et l'ours, les personnages ont même apparence, le joueur de cor du compartiment supérieur est à peu près identique à son homologue du compartiment inférieur, et le joueur de viole qui figure dans ce dernier pourrait être présent aux côtés de David. Les caractères d'opposition concernent plutôt les gestes et les sons : aux jambes parallèles, à peine fléchies des musiciens du haut s'opposent les jambes croisées d'un des danseurs du bas et surtout les culbutes de deux autres ; au rythme cadencé insufflé au petit orgue par les soufflets, au registre hiérarchisé des sons produits par les clochettes et la flûte s'oppose la percussion, rythmée elle aussi, mais sans nuance, du tambour de l'ours. Naturellement, le contraste entre les deux personnages principaux est le plus fort : le roi est assis, sans masque, la ligne inférieure de sa robe et du petit tapis sur lequel reposent ses pieds contredit celle de la gueule énorme de l'ours ; les bras de celui-ci naissent au niveau des oreilles, donnant l'impression que la tête et la poitrine ne font qu'un.

Il n'en reste pas moins que ce masque est au second compartiment ce que David est au premier, comme s'il était le double bestial du roi musicien. Les condamnations ecclésiastiques du masque n'ont pas fait échec à cette représentation ambivalente d'un masque d'ours, retenu au registre inférieur et pourtant doté, dans la structure de l'image, d'une place analogue à celle de David19.

En revanche, la « marginalisation » de certaines représentations de masques dans les enluminures postérieures est peut-être le signe d'un refus de cette ambivalence et d'une efficacité croissante des condamnations ecclésiastiques du masque. Il faut aussi remarquer que les représentations de masques ne sont relativement nombreuses que dans les manuscrits d'œuvre littéraires en langue vulgaire, justement accueillantes aux motifs folkloriques. Dans les marges d'un manuscrit flamand du XIVe siècle du Roman d'Alexandre (ill. 5) cinq hommes se donnant la main ont les épaules recouvertes d'un capuchon surmonté de têtes d'animaux : lièvre, singe, bouc, bovidé, rapace20. Le texte en français décrit une grande fête, les danses et les chants. Le personnage qui mène la danse est identifié : c'est Elyos, le visage recouvert d'un masque (paraument) d'aigle.



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