Le christianisme en procès by Manfred Lutz

Le christianisme en procès by Manfred Lutz

Auteur:Manfred Lutz
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions de l'Emmanuel


2. Croire aux sorcières au Moyen ge – Reginon de Prüm : « Hallucinations ! »

L’humanité a toujours cru aux sorcières. Déjà le code d’Hammurabi (1792-1750 av. J.-C.) ordonnait de punir les magiciens et jeteurs de sorts. Pour le droit romain, dans l’Antiquité tardive, c’était également un délit passible de mort. Et jusqu’à l’époque moderne, on a considéré que la magie noire était quelque chose de maléfique. Mais, fidèle à son principe de non-violence, le christianisme a toujours privilégié la pédagogie vis-à-vis des accusés aux poursuites et aux exécutions. Sur ce point, la recherche historique est unanime. Même dans l’ouvrage anticatholique Geschichte der Hexenprozesse4, écrit par Soldan et Heppes au XIXe siècle, on peut lire que « l’idée d’une poursuite pénale des pratiques superstitieuses était parfaitement étrangère à l’Église ». L’Église préférait les pénitences et « excluait la contrainte », comme le note l’historien américain Richard Kieckhefer dans son livre Magic in the Middle Ages5. À l’instar d’autres religions, les chrétiens croyaient au diable, le mal en personne, le séducteur, sans le considérer pourtant comme l’égal de Dieu. Mais de leur point de vue, le diable était déjà vaincu par Jésus Christ. En effet, le Nouveau Testament fourmille d’histoires où les démons doivent céder devant la puissance du Fils de Dieu. Mais l’homme, même chrétien, peut être tenté et peut souscrire au mal de son plein gré. Au Ve siècle déjà, saint Augustin mettait en garde contre les pactes avec le diable. Il considérait le contact avec les démons comme une trahison envers Dieu, une conduite païenne et peccamineuse contraire à l’alliance du baptême. Mais ces réflexions n’étaient pas liées à la question des sorcières, car pour l’Église, croire aux sorcières relevait de fadaises païennes et d’imaginations surchauffées. Le concile de Paderborn en 785 explique que « celui qui, trompé par le diable, affirme comme les païens que les sorcières existent… et les envoie au bûcher… sera puni de mort ». Le canoniste Reginon de Prüm (env. 840-915), dans son célèbre Canon episcopi, parle aussi les sorcières comme d’une hallucination : il évoque les « malheureuses femmes trompées par les démons et par des idées folles » qui « affirment qu’elles chevauchent des animaux en compagnie de la déesse païenne Diane et d’une foule innombrable d’autres femmes, traversant toutes sortes de pays dans la nuit silencieuse, profonde et angoissante ». Par la suite et sous son influence, le droit canon considérera cette croyance comme une hérésie, à reléguer dans le domaine de l’imagination. Au fond, l’Église ne prenait pas cela vraiment au sérieux. Même un Thomas d’Aquin, s’il parle de pacte avec le démon et se pose des questions sur d’éventuels contacts sexuels entre hommes et démons, n’en tire aucune conclusion. C’est un siècle plus tard que l’on détourna ses propos à de tout autres fins. Au Moyen ge en tout cas, ce sujet resta marginal. Wolfgang Behringer écrit : « Les doutes des premiers chrétiens quant à l’efficacité des pratiques magiques freinèrent sérieusement toute velléité de persécution. » Pourtant, au



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