Le chien qui riait by Maud Tabachnik

Auteur:Maud Tabachnik
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Albin Michel

Alice était revenue chez elle désespérée. Elle se sentait coupable de la conduite odieuse de son fils et craignait de ne pas pouvoir protéger sa fille des règlements de comptes que ses camarades ne manqueraient pas de lui faire subir à l'école. Elles seraient toutes deux jugées par leurs pairs. Mais si elle l'acceptait en tant que mère, elle s'insurgeait qu'Annie le soit.

Elle n'ignorait pas que les gens ont été de tout temps friands du malheur des autres. Ils s'en réjouissaient, se croyant à l'abri. Et à présent que la violence envahissait de plus en plus l'espace de leur vie, ils ne se lassaient pas de la regarder sans imaginer un instant que cette violence, qui allait de l'incivilité à l'agression caractérisée, était le plus souvent le résultat de leur indifférence et de leur lâcheté. Cette agressivité que l'on retrouvait dans le travail où chacun devait se battre. Dans les couples, où le nombre de femmes qui subissaient coups et viols connaissait une courbe ascendante. Dans les écoles, où les enseignants étaient agressés et insultés. Dans le sport, où les supporteurs ne pensaient qu'à étriper ceux de l'équipe adverse. Jusqu'aux lieux de culte que l'on devait protéger de la haine. La violence roulait comme un fleuve fou qui serait sorti de ses rives et se répandrait en balayant tout sur son passage.

– Je vais préparer quelque chose à manger, dit Peter que la fureur n'avait pas quitté.

– Je n'ai pas faim.

– Moi non plus. Mais ça va nous remonter. Il la prit dans ses bras. Il faut que tu sois forte. Tu dois prévenir Robert.

– Oui... il doit aussi prendre sa part. Il ne s'est jamais beaucoup occupé de son fils, c'est peut-être pour ça qu'il est devenu ce qu'il est.

– Jusqu'à quand vas-tu lui trouver des excuses ? Annie aussi a connu la même situation. Edwards a perdu sa mère. Sont-ils pour autant devenus... (il s'arrêta, sur le point de dire « monstres »...) des enfants avec de tels problèmes ? Je sais qu'il est dur d'admettre que son gosse soit un... un sale type. Mais les sales types aussi ont des parents, s'écria-t-il.

– Tu en parles à ton aise, ce n'est pas ton enfant !

– D'accord, mais je veux avant tout nous protéger, nous et les gosses. Ou Joseph peut être soigné et s'en sortir, ou...

– ... Ou finir sa vie en prison, c'est ça ?

– Chérie, tu n'as rien à te reprocher, rien. Tu as fait tout ce que tu as pu. Il sera jugé comme mineur. Il risque au plus quelques mois d'incarcération dans un établissement spécialisé où il sera soigné psychologiquement. À sa sortie, nous serons là pour l'aider. Il aura sûrement compris. On le fera suivre par un psy. Avec le temps, ça s'arrangera. Fais-moi confiance.

Il l'embrassa, mais elle resta inerte entre ses bras.

– Ils peuvent aussi décider de le confier à sa famille, dit soudain Alice en levant les yeux vers Peter. Avec une surveillance... je ne sais pas comment ils appellent ça.

– Ça m'étonnerait.

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