Le chat qui venait du ciel by Hiraide Takashi

Le chat qui venait du ciel by Hiraide Takashi

Auteur:Hiraide, Takashi [Hiraide, Takashi]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Philippe Picquier
Publié: 2006-09-14T07:00:24+00:00


15

1990 arriva, et ce fut très vite la mi-février.

S’il venait sans faillir dans la journée, Chibi ne manquait jamais non plus d’apparaître la nuit, visiblement quand sa maisonnée s’était endormie. Que ma femme ait du travail ou non, qu’il fasse froid ou non, se retrouver au jardin pour jouer avec le chat était devenu une de ses joies.

Chibi adorait grimper sur un pin de taille moyenne planté au cœur du jardin. Quand la balle de ping-pong passait devant lui, il la rabattait d’un coup de patte fulgurant, comme une attaque au volley-ball, et la plaquait au sol. Ni l’un ni l’autre ne semblaient se lasser de ce jeu.

Dans la propriété plongée dans l’obscurité, ma femme suivait Chibi partout où il voulait aller, et il leur arrivait de pénétrer dans la maison principale. Tous les meubles avaient disparu, c’était une demeure vide qui s’étendait dans l’ombre.

À côté du tokonoma du salon s’ouvrait une fenêtre en saillie. Devant le shôji qui laissait filtrer la délicate lumière de la lune, Chibi, ventre aplati, prêt à bondir, attendait qu’on fasse rebondir sur la table basse destinée à la lecture la petite balle, qu’il renvoyait d’un geste vif. C’était à se demander si leur jeu aurait une fin.

À part les lumières du pavillon habité et la lampe de l’entrée qui restait allumée la nuit pour décourager les voleurs, la lune arrivait à peine à dessiner les contours. Dans la demeure vaguement sombre, la minuscule balle blanche rebondissait avec de légers claquements secs. Et la petite masse vivante qui la poursuivait, baignée dans le clair de lune, se métamorphosait en perle de nacre.

Le jour pointait, Chibi poursuivait ses jeux dans le jardin, le dos parsemé de pétales de fleurs de prunier, happant une abeille, reniflant un lézard, ce jardin qui pressentait la vie et le chaos.

L’escalade soudaine de l’arbre était aussi fulgurante qu’un éclair. D’ordinaire, un éclair décrit dans le ciel un zigzag de haut en bas, mais là, c’était le contraire. D’une décharge électrique, Chibi se hissait au sommet d’un plaqueminier, et dans son cahier, ma femme avait noté « telle une pointe d’éclair », ajoutant « comme pour aider le tonnerre à venir ». Oui, elle avait vu juste, c’était bien l’impression qu’on ressentait.

Je me suis alors souvenu d’un passage du Nihonshoki(13) décrivant le dieu de la chasse :

Au pied d’un arbre à côté du puits, devant le portail, se tient un beau visiteur. Nul ne peut douter qu’il n’appartienne pas au commun des mortels. S’il venait du ciel, il aurait un visage céleste. Celui qui vient de la terre doit avoir un visage de la terre. Il était d’une telle beauté, serait-ce lui qu’on nomme Soratsuhiko ?

Tout en haut du plaqueminier, la silhouette du chat prêt à affronter l’instant qui va suivre, tous les nerfs attentifs à saisir les moindres modifications du vent, était l’image même de celui qui, entre ciel et terre, s’apprête à s’élancer dans un interstice imaginaire.

Je savais que les chats n’abandonnent leur cœur qu’à leur maître, révèlent leur splendeur à lui seul.



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