Le cauchemar de l’aube by Frédéric Dard

Le cauchemar de l’aube by Frédéric Dard

Auteur:Frédéric Dard [Dard, Frédéric]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier thriller
Éditeur: 12-21
Publié: 2013-05-14T16:00:00+00:00


10

Pour la première fois depuis notre mariage, j’ai menti à Madalenia. Je lui ai dit que j’étais fatigué et que je ne voulais pas aller à la grange. Elle est donc montée toute seule pour faire la cuisine du vieux. J’ai passé le temps à guetter l’arrivée de M. Naullin. Il me semblait que cette homme dissiperait mon angoisse.

Etait-ce parce que sa femme m’avait dit qu’il était dans les affaires ? Toujours est-il que j’imaginais un monsieur lucide et posé. Le coup des deux signatures sur les chèques prouvait que Naullin avait la tête froide et qu’il connaissait les bizarreries de sa femme.

Oui, la perspective de sa visite me soulageait. Lui, du moins, verrait l’invisible Nathalie. Pourquoi avais-je la notion d’une menace affreuse lorsque je pensais à cette jeune fille que je ne connaissais qu’à travers une poupée et des dessous épinglés à un fil d’étendage ?

J’ai attendu près de la croisée, surveillant la route luisante, bleue de pluie, tressaillant chaque fois qu’une voiture ralentissait.

En fin d’après-midi, quand Madalenia est rentrée, M. Naullin n’était toujours pas là.

– Tu te sens mieux, Phil ?

– Oui.

– Tu veux du rhum dans du lait chaud ? Chez nous, c’est ce qu’on prend lorsqu’on a la grippe.

– Je n’ai pas la grippe.

– Qu’est-ce qui te tourmente ? Cette histoire de chèque ?

– Non.

– Quoi, alors ?

– Toujours la même chose…

– La fille que nous ne connaissons pas ?

– Oui.

– Ecoute, Phil, demain, pendant que vous irez chercher l’oranger, je te promets d’aller voir.

– Bien vrai ?

– Je jure !

Nous avons dîné du bout des dents, moi surtout. Je faisais de nombreux voyages à la fenêtre ; l’orage n’avait pas cessé et la campagne avait une drôle de couleur, grise comme une glace qui n’a presque plus de tain.

Nous avons écouté une émission à Europe sur le petit poste à transistors que j’avais offert à Madalenia pour notre premier mois de mariage. Vers dix heures, nous sommes allés nous coucher. M. Naullin n’était pas venu. J’ai essayé d’apercevoir la maison à travers les branches. Comme presque tous les soirs, deux fenêtres étaient éclairées.

J’ai lutté des heures contre le sommeil, guettant le mouvement de la route. La nuit, il ne passait pratiquement que des camions, de gros poids lourds chargés de vin ou de fruits qui crachaient devant notre pavillon des nuages de mazout brûlé. Les voitures particulières étaient rares et roulaient à vive allure.

Lorsque je me suis réveillé, le ciel s’était vidé et pour la première fois depuis le début de la semaine, on recommençait à voir des déchirures bleues à travers les nuages. En rabattant les volets, j’ai bien sûr regardé vers la maison. Il n’y avait toujours qu’une voiture devant le perron. Alors, comprenant que Naullin ne viendrait plus, je me suis mis à ma toilette.

Elle est passée me chercher une heure plus tard. Elle portait un manteau en drap léger, bleu marine, qui lui allait bien.

À la voir, aussi élégante dans cette somptueuse auto, jamais on n’aurait imaginé qu’elle habitait une maison en ruine.



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