Le canon de Lasselille by Riel Jorn

Auteur:Riel, Jorn [Riel, Jorn]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Danoise
ISBN: 2264038454
Éditeur: Altocumulus - TAZ
Publié: 2001-11-27T12:19:29+00:00

Dans le nord-est du Groenland, il avait de tout temps été difficile de se procurer des canons de signalisation. Une enquête menée du sud au nord de la Côte confirma à Bjørken qu’aucune station de chasse opérationnelle ne disposait d’un tel appareil ni d’autre arme lourde du même type. William le Noir put cependant rapporter qu’il avait entendu dire, au cours d’une virée de célibataire pour se faire redresser le compas plusieurs années auparavant, qu’il en existait deux spécimens dans la Colonie, qui se trouvait à seulement trois jours de voyage de Cap Sud où habitait sa fiancée.

C’est ainsi que William le Noir eut pour mission de négocier et de rapporter l’engin lors de son prochain voyage dans le Sud. L’expédition de William sera relatée ailleurs, car ce voyage plein d’aventures se trouva avoir des conséquences gravissimes pour Fjordur, et mérite de faire l’objet d’un récit à part.

Le résultat de ce voyage mémorable fut que William, un beau jour de début juin, arriva à Bjørkenborg sur un traîneau grand comme un portail de grange, tiré par vingt-deux chiens dont dix appartenaient à Fjordur, Valfred et le Lieutenant Hansen se trouvaient par hasard à la station, car ils étaient restés à l’affût des migrations d’oiseaux le long de la côte. C’est pourquoi ils étaient présents au moment où l’énorme canon fut dévoilé.

Ce n’était pas un canon ordinaire que William avait rapporté. Et pas du tout un canon de signalisation. Mais comme devait l’expliquer Bjørken avec une jubilation étonnante dans la voix, un canon, c’était un canon, peu importe qu’il soit court ou long, épais ou fin. Dans la mesure où il pouvait exprimer clairement l’état d’esprit de ceux de Bjørkenborg vis-à-vis de leurs visiteurs, assurer les salutations d’accueil et d’adieu avec une salve digne de ce nom, ce canon était bienvenu dans sa station. Ce canon, poursuivit Bjørken lors de la première inspection de l’appareil, donnerait l’impression que n’importe quel banal canon de signalisation n’avait pas plus de vigueur que le pet réprimé d’une fillette.

Le canon était lourd comme un piano et il fallut que même Valfred donne un coup de main pour le faire passer du traîneau à l’affût en bois de chêne. Lasselille était bouche bée. Il s’était imaginé un petit engin en laiton bien poli, pas la grande sœur de la grosse Bertha.

– Il est pas un peu énorme, Bjørk ? demanda-t-il, impressionné.

Bjørken regarda le canon avec satisfaction.

– Il est plus grand que la plupart des canons, répondit-il, et il en a sûrement vu des vertes et des pas mûres. C’est un canon espagnol, mon garçon, coulé dans de l’acier de Tolède, le meilleur.

Il tambourina des jointures de ses doigts sur le fût du canon.

– Celui-ci a tiré sur autre chose que sur des baleines. Parce que les Espagnols étaient de grands guerriers qui se sont répandus comme du chiendent sur toute la terre. Je te fiche mon billet qu’il a dû en arracher, des fesses d’indiens, de Chinois, et de plein d’autres sauvages avant d’être élevé au rang de canon à baleines.

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