Le blues du Périgord by Michel de Caurel

Auteur:Michel de Caurel
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Geste Éditions
Publié: 2019-01-15T00:00:00+00:00

− XXVII −

Assise dans le canapé, Chloé feuilletait un magazine qui promettait un bronzage parfait pour cet été, le moyen de perdre cinq kilos en dix jours et la meilleure façon d’assortir son maillot de bain à son signe zodiacal. Il était 22h35, elle n’avait pas suivi ses collègues qui avaient décidé de prolonger le pot de retraite de son collègue dans un restaurant voisin du collège. Elle survolait les articles consacrés aux risques des amours adultérins et la manière de profiter des vacances pour ranimer la libido du conjoint tout en guettant le retour de Léo. Elle se leva pour boire un verre d’eau. Son regard accrocha le portrait de Rachel au-dessus du bureau de Léo. « Cette fille a quelque chose, dommage qu’elle soit morte… Si j’étais un garçon, elle m’aurait plu. » pensa-t-elle. Au début elle s’était intéressée aux progrès de l’enquête, mais absorbée par son travail, lassée du cirque médiatique et de ses outrances sur la morte de la Courverie, elle en avait perdu le fil. Elle pensait aux vacances, à la maison proche de la mer louée pour quinze jours en Espagne, l’occasion de rompre avec leur quotidien périgourdin, de se retrouver avec Léo, comme l’évoquait le magazine. Depuis le 21 juin, date de la découverte de Rachel Genevois morte, Léo avait changé, il lui échappait. Certes il se donnait à fond dans son travail mais là il semblait animé par un feu intérieur, une passion qu’elle ne lui connaissait pas. Son humeur avait changé, il était devenu grognon, renfrogné, taciturne, irritable. Lui qui habituellement parlait avec entrain de ses reportages, n’évoquait pas avec elle les progrès de l’enquête. Il avait déjà couvert des faits divers sordides, crapuleux, des accidents tragiques impliquant des enfants, des jeunes filles, des jeunes gens mais il avait toujours su garder une distance, un certain recul par rapport à l’événement. Là, inexplicablement, ses émotions avaient pris le dessus sur sa raison. Il était comme absent, ailleurs, indifférent à leur quotidien, à leur vie de couple. Il était moins attentionné, moins amoureux. Était-ce l’usure du temps ? Elle qui était moins disponible ? L’absence d’enfant ? Avait-il une aventure ?

Elle se saisit de l’album photo de Rachel, tourna lentement les pages. Elle s’attarda sur son visage, son corps, ses formes qui dégageaient une sensualité animale, quasi primitive et la rendait attirante : « Dieu que cette fille est jolie ! » Elle ressentit une pointe de jalousie mêlée d’envie qu’elle s’empressa de trouver déplacée. Elle se servit un grand verre de vin pour chasser sa gêne, prit une douche, se vaporisa d’un soupçon de parfum. Vêtue d’une nuisette transparente, elle se lova dans le canapé, jambes repliées sous elle bien décidée à abuser de ses charmes pour redonner à Léo le goût de la vie conjugale.

Elle entendit la 206 arriver, la portière claquer et un retentissant « fait chier ! ». Il était livide.

— Ça va ? demanda Chloé qui, voyant sa tête, abandonna toute idée de séduction et enfila sa robe de chambre.

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