Le bien-aimé by André Mathieu

Auteur:André Mathieu [Mathieu, André]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique
Éditeur: Goélette
Publié: 2019-03-19T20:03:01+00:00

Chapitre 10

Le bien-aimé

Sur le quai de la gare, deux jeunes gens s’échangèrent une vigoureuse poignée de mains. Habillés à la mode, endimanchés dans leur col de celluloïd, cheveux séparés par le milieu : fine fleur d’une jeunesse de la fin du dix-neuvième siècle. Et ils venaient de sceller un pari. En fait, le défi mutuel jaillissait d’une autre amicale prise de bec comme celles si nombreuses qu’ils avaient eues lors de leurs études dans une même institution de Montréal.

– Si, au jour de l’An, tu n’as pas obtenu ton entrevue avec le hors-la-loi, tu avoues ton échec publiquement dans ton journal, c’est bien ça ?

– Et si je l’ai obtenue, alors toi, tu voteras pour Mercier aux prochaines élections.

– Ce sera le pire malheur de ma vie, mais je m’y résoudrai, je m’y résoudrai.

– Une jolie jeune fille vêtue d’une robe longue vert foncé aux ornements roses sortit de la gare avec ses valises. Les deux hommes commencèrent à s’échanger sur elle des commentaires favorables.

L’un, John Leonard, était avocat et il pratiquait à Sherbrooke tandis que l’autre, Peter Spanjaardt, travaillait comme journaliste pour le Montreal Star, et son journal l’avait envoyé à Mégantic pour couvrir l’affaire Morrison, et surtout pour tâcher de rencontrer ce hors-la-loi en voie de devenir une véritable légende à la mesure des héros de l’Ouest, vilains ou représentants de l’ordre, dont on lisait les exploits depuis tant d’années. Il était enfin donné au Canada de s’enorgueillir d’une chasse à l’homme formidable et les journaux se devaient d’être à la une de toute l’affaire.

Le journaliste s’installa à l’hôtel Graham d’où il pourrait surveiller toutes les allées et venues des policiers logés à l’American Hotel. Mais ce n’est pas cela qui lui permettrait de parler au légendaire personnage. Il se donna donc une stratégie. D’abord, il claironna sa présence dans tout Mégantic et bien évidemment dans le Montreal Star où chaque jour, il signait un article sur l’affaire. Il eut tôt fait de se montrer favorable à la cause du hors-la-loi. À la fois sincère et intéressé, on aurait confiance en lui et ça lui vaudrait peut-être de découvrir quelqu’un capable de le mettre en contact avec le fugitif. Il chercha à le rejoindre via ses parents et Marion McKinnon qui transmirent ses messages à Donald, mais celui-ci ne voulut pas leur donner réponse par crainte de faire se sentir terriblement coupables ceux qu’il aimait pour le cas où une rencontre avec le journaliste l’aurait conduit dans un piège. Plus tard, il fit transmettre un message à Spanjaardt par un ami sûr. Il accepterait une rencontre secrète si le journaliste en faisait la une du Star afin que tout le pays puisse connaître son point de vue, ce qui aurait pour effet de contrebalancer les allégations de certains journaux dont La Presse et La Patrie qui présentaient le hors-la-loi comme un dangereux bandit, pris de panique à l’idée d’être pendu, et prêt à tirer sur quiconque se mettrait en travers de son chemin.

Une organisation secrète pour la défense

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