Le Balcon dans le ciel by Maurice Henrie

Le Balcon dans le ciel by Maurice Henrie

Auteur:Maurice Henrie
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Prise de parole
Publié: 2013-10-25T00:00:00+00:00


Le béret blanc à pompon soyeux se frayait un chemin parmi les têtes en mouvement, dans la foule serrée, et dérivait lentement vers les ascenseurs du magasin. De temps à autre, il s’arrêtait un instant devant une jolie robe en solde ou un présentoir de bijoux. Puis il repartait en hésitant et finissait par reprendre le courant des marcheurs. Je suivais à distance, en me demandant si j’avais bien vu, si c’était bien Stéphanie que le hasard me faisait rencontrer pour la première fois depuis notre séparation. Ma ferme résolution de ne pas la revoir, du moins pas avant quelque temps encore, m’invitait à la prudence et même à la fuite. Mais la curiosité de savoir si cette femme à béret était bien Stéphanie me faisait faire dans sa direction des pas incertains, presque involontaires. Mon dilemme a été bientôt résolu. Le béret a fait un volte-face inattendu et Stéphanie, c’était bien elle, s’est retrouvée devant moi, immo-bile de surprise, comme je l’étais d’ailleurs moi-même.

Je vous ai déjà dit, Janelle, que j’étais l’homme d’un seul amour. En apercevant Stéphanie, son visage aimant, ses grands yeux noisette, sa bouche ouverte d’étonnement, j’ai compris dans une illumination soudaine, mais par les entrailles plus que par la tête, qu’elle était pour moi l’amour même et surtout qu’elle ne cesserait jamais de l’être. J’avais beau faire, jamais je ne contournerais cette évidence circulaire, cette nécessité impérative. Son corps même, dont j’ai tant parlé, avec irrévérence et désinvolture, n’était, si beau qu’il était, qu’un paravent physique dont le rôle était davantage de cacher que de séduire. Qu’un contenant propre à l’héberger et à la protéger en vue d’un projet plus grand.

Stéphanie était ce corps sans doute, mais elle était autre aussi, et bien plus. Elle était cette énigme dont je n’arrivais pas à tracer le contour, ni à déterminer la substance. Elle était un mystère à ses propres yeux et savait moins que moi, peut-être, ce qu’elle dissimulait, pourquoi elle le dissimulait. Elle était cette fuite constante dans des régions toujours plus sauvages et toujours plus reculées, loin de toute conscience, de toute connaissance. Je désespérais de jamais pouvoir la saisir tout à fait et craignais de devoir me contenter pour toujours de ces effleurements qui excitaient ma faim bien plus qu’ils la satisfaisaient.

En même temps, cependant, je devinais que si jamais j’atteignais enfin Stéphanie et que j’arrivais à mieux la connaître, elle disparaîtrait à mes yeux comme crève une bulle de savon iridescente dans la lumière du jour. Elle me subjuguait dans la mesure où elle m’échappait. Oui, c’était cela, c’était cette malédiction-là que je cherchais à comprendre depuis si longtemps. Douce Stéphanie! Stéphanie les cheveux blonds! Stéphanie les seins roses! Petite enfant crédule abandonnée traîtreusement, un bon matin, pendant qu’elle dormait d’un sommeil fiévreux et inquiet.

Debout devant moi, encore sous l’effet de la surprise, Stéphanie me regardait d’un air saisi. J’ai d’abord eu l’impression qu’elle se laisserait aller à la joie de me revoir. Elle a même esquissé un sourire vague et rapide. Mais bientôt, ses yeux se sont affolés.



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