Le Bain d'Amélie by Nathalie Fredette

Auteur:Nathalie Fredette [Fredette, Nathalie]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782764418222
Éditeur: Québec Amérique
Publié: 2012-12-11T00:00:00+00:00

L’abbaye est dans un site très paisible, entourée d’une forêt de feuillus bien verts, que j’aime infiniment plus que les forêts de conifères qui me rappellent le Nord (l’horreur, le sapin des Laurentides). Une brise fait bouger les feuilles comme de petites mains d’enfants vous saluant. Près de l’autocar, notre guide attend, une Gitanes aux lèvres :

— Alors, vous avez aimé, très chères cousines? demande-t-il en se moquant gentiment. C’est superbe, n’est-ce pas?

En route vers Villefranche-de-Conflent, Ludovic nous raconte une série d’anecdotes encore plus intéressantes que tout ce que le guide officiel de l’abbaye, lui-même très compétent, a pu nous dire. Il connaît dans ses moindres détails l’histoire du héros national catalan Guifred le Velu, dont on a gardé trace grâce à un texte écrit par un moine de Saint-Michel-de-Cuxa. Il connaît à fond tout ce qui concerne de près ou de loin cette abbaye, de même que l’histoire de la Catalogne. Jamais par contre son récit n’est fait sur un ton professoral ennuyeux ou prétentieux.

Nous longeons de nouveau la Têt. Villefranche-de-Conflent, cité médiévale fortifiée par Vauban, est en vue. Dans les guides touristiques, on dit beaucoup de bien de cette ville de marbre rose. J’avoue être un peu déçue par la cité, belle, certes, mais un peu trop ville-musée à mon goût. Les remparts fortifiés qui ceinturent la ville de quelque deux cent cinquante habitants accentuent l’impression de pénétrer dans une ville fossilisée. Intra-muros, seuls les touristes s’activent. Et, bien entendu, plusieurs commerçants.

Ce doit être triste ici le soir ou hors saison. Pire que les Baux de Provence, certes splendides mais arides et déserts, qui m’ont donné le cafard il y a quelques années. Peut-être le ciel gris qui a éclipsé le soleil étincelant de tout à l’heure y est-il pour quelque chose.

— C’est un peu lugubre, tu ne trouves pas ? demande Geneviève, qui a mis le doigt sur le problème.

Ludovic, lui, installé à la terrasse d’un café en compagnie de jolies jeunes femmes, ne semble pas du tout affecté par la grisaille ou l’aspect pétrifié de la ville. Nous le saluons avant de poursuivre notre exploration. Au-dessus de Villefranche, sur la colline dite de Belloch, se dresse le château fort Libéria, construit par Vauban au XVIIe siècle. Au pied de cette colline, de l’autre côté du pont et de la voie ferrée, se trouve l’entrée de l’escalier souterrain permettant d’accéder au fort. Mille marches ! Et à l’intérieur d’un sombre tunnel !

— Si on restait ici pour lire un peu, étendues sur l’herbe?

— La vue doit être superbe de là-haut, dit Geneviève, à moitié convaincue, à moitié convaincante.

— Sûrement.

— Et les grottes ? On ne visite pas les grottes non plus ? ajoute-t-elle sur le même ton pas très persuasif.

Merde à Vauban. Une heure plus tard, nous sommes encore absorbées par notre lecture. Doux bonheur. Quand nous nous levons, nos mains et nos jambes nues sont marquées par l’herbe. On dirait un fin réseau de sillons tracés sur la chair.

À la terrasse du café, Ludovic est toujours en conversation avec les belles demoiselles et ne semble pas du tout s’ennuyer.

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