L'aventure by Oster Christian

Auteur:Oster, Christian [Oster, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Education Nationale
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

7

Comme nous avions, Liz et moi, omis de fixer un lieu pour notre prochain rendez-vous — la décision d’arrêter une date ayant suffisamment sollicité nos énergies pour nous laisser, en outre, la force de nous situer dans l’espace —, je retournai au même endroit, calculant que Liz, si elle désirait me retrouver, ne manquerait pas d’obéir au même raisonnement. Elle s’y rendit de manière ponctuelle, et, dès que nous nous aperçûmes, nous nous dirigeâmes l’un vers l’autre d’un pas mesuré, sans savoir pour ma part comment nous allions, sur le plan du protocole, signifier notre rencontre.

En fait, après avoir réduit la distance qui nous séparait, nous nous saluâmes en gardant les nôtres ; puis, pivotant de manière à nous situer parallèlement l’un par rapport à l’autre, nous nous mîmes à marcher d’un même pas le long de l’aire de parking. Depuis que nous nous étions vus, la perspective de nous revoir à une date précise avait sans doute induit une complicité qui nous permettait de garder le silence sans qu’il recouvrît l’aspect d’une épreuve, de sorte qu’il nous était loisible de le briser à tout moment sans la moindre hésitation. Nous agitâmes donc, entre de longs blancs où nulle gêne ne s’insinuait plus, divers sujets anecdotiques en puisant dans l’environnement proche, souvent, pour en dévier ou au contraire les creuser davantage ; et, au gré de ces conversations sans continuité, nous laissâmes apparaître plusieurs points communs et beaucoup d’autres sur lesquels nous divergions totalement. Nous n’insistâmes pas sur ces différences par lesquelles nous revenions, en quelque sorte, à notre rencontre en empruntant d’intéressants détours, avec parfois la petite pointe d’inquiétude que fait naître l’éloignement des idées et des sensibilités ; mais, dans les moments où nous nous écartâmes le plus l’un de l’autre, jamais nous ne cédâmes à une véritable crainte de nous désunir ; et le plus souvent, du cœur même de nos vrais affrontements sur tel ou tel sujet, nous nous montrâmes mutuellement, par telle attitude appropriée, notre tranquille certitude d’un rapprochement à venir.

Nous marchions l’un près de l’autre, mais point trop tout de même, de façon à accompagner nos phrases de gestes assez amples sans risquer de nous effleurer, sachant, imaginais-je, que le moment venu nous saurions sortir de notre réserve avec toute la soudaineté voulue, variant de registre en témoignant de cette même aisance qui caractérisait nos actuels rapports. La double question de l’homme de l’épicerie et du caractère répétitif de notre promenade — je l’ai dit, nous ne quittions pas le parking, où nous allions et venions comme dans un couloir d’attente — me préoccupait néanmoins. Comme je n’osais pas aborder le premier de ces sujets, je ne tardai pas à développer le second par crainte que Liz n’en vînt à l’aborder elle-même, soulignant ainsi, sans le vouloir, mon manque de prévenance. Je lui proposai de nous rendre quelque part, peu importait où, puisque ce serait avec elle, et me contentai d’évoquer le bord de mer, par simple souci, pour Liz, d’un véritable changement. Elle

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