Laterna magica by Bergman Ingmar

Laterna magica by Bergman Ingmar

Auteur:Bergman, Ingmar [Bergman, Ingmar]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 1987-11-02T23:00:00+00:00


Torsten Hammarén avait soixante-deux ans et il dirigeait le Théâtre Municipal de Göteborg depuis 1934, c’est-à-dire depuis que celui-ci existait. Il avait été auparavant à la tête du théâtre du Lorensberg. C’était aussi un acteur de composition réputé.

Torsten avait une position très importante, sa troupe était considérée comme la meilleure du pays. Knut Ström, le premier metteur en scène du théâtre, était un vieux révolutionnaire qui avait été formé par Reinhardt. Helge Wahlgren, qui préférait la petite scène du Studio, était laconique, tranchant, précis. Il y avait des décennies que les comédiens jouaient ensemble. Ce qui ne voulait pas dire qu’ils s’aimaient.

Au début de l’automne 1946, Ellen et moi, nous avons déménagé pour Göteborg avec nos deux enfants. Au théâtre, c’étaient les dernières répétitions de La Sonate des spectres montée par Olof Molander. Il était là en tant que metteur en scène invité. Je me glissai sur la grande scène qui était plongée dans l’obscurité. Loin là-bas, loin devant moi, on entendait les voix des comédiens que l’on entrevoyait, parfois, dans le cercle des projecteurs. Je ne bougeai pas, j’écoutai : un grand théâtre où tout était possible avec de grands comédiens, de grandes exigences. Je ne prétends pas que j’avais peur, mais je tremblais.

Soudain, je n’étais plus seul. À mes côtés, se dressait un être ou un fantôme, peut-être : la grande old lady du théâtre, Maria Schildknecht, affublée du manteau de perroquet de la momie et de son masque blanc. Je comprends que vous êtes Monsieur Bergman, chuchota-t-elle, avec un sourire aimable, mais terrifiant. Je confirmai mon identité et m’inclinai dans une gauche révérence. Nous restâmes un moment silencieux. Puis, le petit fantôme demanda : Alors, que pensez-vous de ça ? La voix sévère me sommait de répondre. Pour moi, c’est une des plus grandes choses qui aient jamais été écrites pour le théâtre. En lui répondant ça, j’étais sincère. La momie me regarda avec un froid mépris. Bah ! dit-elle, c’est de cette merde que nous a pondue Strindberg pour que nous ayons quelque chose à jouer dans son Théâtre Intime. Elle me quitta avec une gracieuse inclinaison de la tête. Quelques minutes plus tard, elle faisait son entrée en scène : au sortir de sa penderie, la lumière du jour la fait reculer, elle secoue sa robe qui traîne par terre comme un perroquet faisant gonfler ses plumes. Éternelle dans un rôle qu’elle détestait, sous la direction d’un metteur en scène qu’elle haïssait.

Mes débuts furent généreux : Caligula de Camus. Anders Ek, mon ami et camarade des années difficiles à Stockholm, faisait ses débuts dans le rôle principal. Il avait le même âge que moi.

Autour de lui, toute la garde de comédiens éminents nous considérait, nous les novices, avec suspicion et sans amabilité. Toutes les ressources techniques et matérielles du théâtre étaient à ma disposition, dans tous les domaines.

Un après-midi, nous en étions à la moitié de nos répétitions, Torsten Hammarén entra dans la salle, sans s’être fait annoncer, et il s’assit pour nous observer. Le moment était mal choisi.



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