L'Arpenteur by Rouanet Marie

L'Arpenteur by Rouanet Marie

Auteur:Rouanet, Marie
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature française
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2012-08-15T00:00:00+00:00


L’enterrement de Monsieur Arvieu

Monsieur Arvieu est mort. On ne le nommait qu’ainsi, même ses proches. C’était l’un des chasseurs que l’Arpenteur ne fuyait pas. Il le croisait à proximité des cols élevés où il attendait la passe, insensible au froid comme lui, à l’affût des grives.

C’était un gros propriétaire. Hautain, dur dans ses jugements, intelligent, sceptique. Une sorte de seigneur rustique, redoutable chef de famille nombreuse, mais imbattable sur les noms des parcelles – il lui avait nommé l’Adrech, Soureillane, le Bois de Marianne –, sur les filiations, les hectares passés dans telle main, puis dans telle autre, au fur et à mesure des ventes, les surnoms. Le beau vieil Arvieu connaissait son territoire comme un rapace.

Des pans d’histoire – la petite, celle du quotidien qui ne laisse que peu de traces écrites – se sont anéantis dans l’instant même de sa mort. Nuit sur les questions sans réponse. Savoirs irrattrapables. L’Arpenteur a d’abord entendu le glas porté par l’air sur plusieurs kilomètres. Il s’est renseigné auprès de sa secrétaire. Non qu’il aille aux enterrements, il serait plusieurs fois par semaine de cérémonie. Non. Il n’est pas comme les Bertrand. Il n’a pas un père notaire, retraité et à sa disposition.

Du haut du chemin qui domine le terre-plein de l’église, il voit s’avancer le rassemblement à l’ancienne autour de la mort.

Il voit les véhicules glisser lentement sur la route parce qu’ils se touchent, parce que débouchent sur la voie principale des voies secondaires et sur les voies secondaires les chemins des écarts. Il voit ces flots car l’hiver a rendu le paysage transparent. Il reconnaît les grosses voitures du Faux, d’Arliaguet, de Fournel. Le parking est déjà saturé, ceux qui arrivent se garent sur la route, de plus en plus loin et près des automobiles, il se forme et avance un cortège presque insonore, déjà funèbre. L’usage est d’attendre le corbillard dehors, de ne pénétrer dans l’église qu’avec le mort, dans un ordre non fixé, mais strict. La foule se masse sur l’esplanade en une troupe serrée. Et elle ne cesse de grossir.

Lorsqu’on enterre une personne importante – et c’est le cas de Monsieur Arvieu –, la foule rassemblée reconstitue la géographie du pays. Elle l’incarne au sens strict du mot : il devient chair, visages, corps.

La terre, le village sont là. La terre qui est plate et bien irriguée, celle qui est dure, les grosses fermes, les moyennes, les petites. Avec les propriétaires terriens, on sait les troupeaux, les bêtes à l’engrais, le nombre d’ouvriers agricoles. Tout est présent de l’univers de Monsieur Arvieu dans ces visages marqués par le grand air mais bien rasés pour l’occasion. Ils ont gardé le béret ou la casquette sur la tête. Ils ne l’enlèveront qu’au moment de pénétrer dans l’église.

Il n’y a pas que des paysans. Chacun a donné une heure de temps, a posé les outils de son métier, baissé le rideau du commerce, demandé la permission au patron. C’est accordé sans papier, sans demande officielle, comme un dû au mort. Le



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