L'archipel secret by Arthur Ransome

Auteur:Arthur Ransome [Ransome, Arthur]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Calibre

Une demi-heure plus tard, après avoir bu leur boisson gazeuse, mangé leurs sandwiches et cueilli quelques fruits de la côte des mûres, Jean et Marion regardèrent, de l’autre côté des Eaux Secrètes, les taches lointaines qui flottaient au-dessus du camp.

– Tout va bien là-bas, assura Jean, et la marée monte vite. Allons voir de quoi ça a l’air.

– Moi aussi, je viens, dit Roger, qui en avait assez des poteaux d’arpentage.

– Margot et Suzanne feront le guet, ajouta Marion. Allons-y.

Ils pataugèrent dans la vase du vieux quai et se mirent à flot dans la Luciole, mais ils n’étaient pas allés très loin quand ils entendirent derrière eux une mauvaise imitation d’une chouette.

– Chouette de midi, murmura Jean en souriant, se remémorant une aventure déjà un peu ancienne(17). Il se passe quelque chose.

Margot était sur la digue, près de l’embouchure du ruisseau, et faisait des signaux avec ardeur.

– Qu’est-ce qu’elle dit ? demanda Roger. Oh ! elle va un peu vite.

Les bras de Margot avaient à peine indiqué une lettre qu’ils étaient déjà dans une nouvelle position, en montrant une autre. M… A… M… M…

– Mammouth, compléta Marion sans plus attendre.

Elle dérama aussi fort qu’elle put.

– Il revient, lança Margot.

– Seul ?

– Oui.

Ils se précipitèrent sur le rivage et rejoignirent Suzanne, couchée sur une parcelle de terre sèche et regardant le petit bateau à rames qui remontait rapidement les Eaux Secrètes avec la marée. Le Mammouth cessa de ramer juste avant de virer vers le chenal du Lutin. Puis soudain, il changea de direction et traversa à la rame vers les observateurs.

– Bien, dit Marion. Il leur a parlé. Il vient pour dire que tout va bien.

Mais, comme le Mammouth cessait de ramer et faisait demi-tour à portée de voix de la côte des mûres, ils constatèrent qu’il n’avait pas l’air très gai.

– Dois-je donner le mot de passe ? demanda Roger. Karabadang et le reste.

– Tais-toi, fit Jean. Attends qu’il le fasse lui-même.

Mais le Mammouth ne donna pas de mot de passe. Il aurait pu être n’importe qui s’enquérant auprès d’un passant.

– Vous n’avez pas vu trois bateaux ? demanda-t-il.

– Un seul, répondit Roger.

– Avec une voile ?

– Non. Le tien.

– Oh ! fit le Mammouth, et il poursuivit : vous ne les avez pas vus plus tôt, avant que je démarre ?

– Nous n’avons vu personne d’autre que toi, répliqua Marion.

– Nous avons vu les fusées hier soir, ajouta Roger.

– Tais-toi, fit encore Jean.

Le Mammouth attendit un moment, avec ses rames hors de l’eau, regardant loin à l’ouest le long des Eaux Secrètes, puis de nouveau à l’est.

– Ils sont obligés de venir par ici, dit-il. Il n’y a pas encore assez d’eau pour passer derrière l’île.

– Tu les as perdus ? demanda Marion. C’est vrai que les anguilles sont un peu insaisissables.

Jean et Suzanne la regardèrent d’un air dubitatif. Ils savaient très bien que le Mammouth aurait voulu ne jamais leur avoir parlé des Anguilles.

– C’est de ma faute, dit-il. J’aurais dû y aller à la première heure ce matin, mais je pensais qu’ils viendraient au Rapide.

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