L'épreuve de Judith by Kaszuk Cyrille

L'épreuve de Judith by Kaszuk Cyrille

Auteur:Kaszuk,Cyrille [Kaszuk,Cyrille]
La langue: fra
Format: epub
Tags: SF
Éditeur: J'AI LU
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


4. SÉPARATION

Le ciel était noir et vide.

Judith était partie.

Épuisé, Saadi se laissa tomber sur le sol et, comme un bœuf rumine une nourriture avalée trop vite, il repassa dans son esprit le contenu de ces dernières heures.

Dès que l’œilleton du fibroscope leur avait montré l’illumination du sud de Bagdad, ils avaient fui par les égouts et puis étaient sortis, par un regard, dans une rue silencieuse et noire. Ils avaient couru, franchi des postes désertés par leurs gardes, couru encore, tremblant devant chaque ombre ; mais rien, toujours et incroyablement rien.

Longtemps ils avaient marché, silencieux et hors d’haleine, dans la campagne puis dans la forêt. Chancelants de fatigue, ils avaient perdu du temps à retrouver, dans l’obscurité, puis à déterrer l’oiseau mécanique. Dieu merci, il était intact.

Avant de se quitter ils avaient soufflé un instant, assis sur une souche et se tenant par la main. Le vent faisait frémir les hautes herbes et bruire la ramure des cèdres tout proches.

Évitant le sujet qui lui tenait le plus à cœur, il avait interrogé :

— Comment est-ce possible ?… Je veux dire, comment Taï a-t-elle fait ?

— Tout est possible à une femme intelligente dès qu’elle a pris conscience de son pouvoir.

— Taï est-elle… dans ton genre ?

— Absolument pas. Elle et moi suivons des voies différentes. Taï s’est admirablement adaptée à la condition que les mâles nous ont faite depuis quelques milliers d’années. Elle encourage les hommes à la trouver sotte et frivole, ce qui lui permet de réduire en servitude ceux qui restent persuadés de l’avoir asservie.

— Et toi ?

— Je suis une femme libre qui aime un homme libre et je refuse d’être méprisée par ceux que je ne méprise pas. Et, s’il faut me battre, je me bats à visage découvert.

Il y eut un silence.

Tous deux fixaient, sans le voir, le robhibou.

— Saadi, viens avec moi. En nous serrant un peu, il y aura de la place pour deux dans l’habitacle. Et puis, gagner l’Hyperborée est la seule chose raisonnable.

Il sembla à Saadi que quelqu’un d’autre répondait à sa place et par sa bouche :

— Non… il faut que je suive ma boussole intérieure. Je sais que cela est irrationnel, mais cela doit être. La sagesse n’est pas toujours raisonnée ni même raisonnable. Je partirai vers le Nord moi aussi, mais à pied. J’en ai l’habitude.

— Alors, allons…

Et elle s’était levée. Quelques instants plus tard, le vol lourd de l’oiseau ouaté l’emportait au-dessus des hautes chaumes.

Et maintenant le ciel était noir et vide.

Saadi se leva et s’enfonça à son tour dans la nuit.



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