L'épouse en colère by Pearl Buck

Auteur:Pearl Buck [Buck, Pearl]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature américaine, Roman, Chine
Éditeur: Le Livre de Poche
Publié: 1986-01-01T11:18:26+00:00

V

… BETTINA dormait. Le clair de lune inondait la chambre. Hiver comme été, elle laissait son lit près de la fenêtre pour pouvoir regarder la cour de derrière, entourée de buissons. La pelouse et les parterres fleuris, dont elle s’occupait avec tant de soins, l’enchantaient même la nuit. Quand la lune ne brillait pas, elle devinait les fleurs à leur parfum, rehaussé par la rosée. En hiver, la gelée elle-même lui semblait parfumée. Comme toutes les femmes dont l’existence doit se dérouler dans des limites précises, elle avait appris à trouver des ressources en elle et à agrandir aux limites de l’Univers sa vie étroite. Il lui suffisait, pour être heureuse, de rêver du seul homme qui existât dans sa vie, de réfléchir à ses qualités, à sa force et à ses faiblesses. Dès le début de son existence commune avec Tom, elle s’était bien promis de ne jamais rien exiger de lui. S’il venait, c’était pour elle une grande joie, mais s’il ne venait pas, sa vie devait continuer. Il arrivait parfois à Tom de lui en faire un reproche :

« Je crois bien, Bettina, que je ne te manque pas.

Lorsque je ne suis pas là, toi et les enfants devez être aussi heureux que lorsque je viens. »

Dans sa grande simplicité, elle lui avait répondu : « Quand tu viens, il me semble que le soleil écarte les nuages pour m’inonder de lumière. Mais si le soleil ne brille pas, il faut quand même préparer le déjeuner et faire le ménage, comme d’habitude. Il faut bien continuer à vivre, Tom. D’ailleurs, je sais toujours que tu viendras. Les enfants le savent aussi. » Tom avait compris qu’il était vain de lui faire des reproches. Elle était aussi insondable que la mer et le ciel et, pour lui, indispensable.

Maintenant, il se hâtait de la rejoindre dans la nuit. La dernière phrase de son frère agissait sur lui à la façon d’un éperon et, à chaque pas, il se promettait que Malvern ne le reverrait jamais plus. Il renoncerait à ses droits de naissance. Il apercevait déjà la silhouette de la maison et le portillon peint de blanc. Il l’ouvrit sans peur de faire du bruit et, guidé par la lueur de la bougie que Bettina laissait toujours à la fenêtre, il entra dans la maison. Quand il venait, il soufflait la bougie. S’il ne venait pas, elle brûlait jusqu’au bout dans le bougeoir d’étain. En entrant, Tom alluma la lampe du salon, mais prit la bougie pour monter dans la chambre où dormait Bettina.

En entrant dans la chambre, il leva très haut la bougie pour mieux la voir. Elle ouvrit les yeux, et, une fois de plus, il fut frappé par son extraordinaire beauté. Son visage pâle s’encadrait dans une masse de cheveux noirs étalés sur l’oreiller, et ses bras blancs sortaient d’une chemise de nuit légère et fine, ornée de dentelle.

Après tant d’années de vie commune, elle restait quand même réservée. Ainsi, à la lumière de la bougie, elle remonta instinctivement le drap sur sa poitrine.

Télécharger

Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.