L'épine dans la chair et autres nouvelles by D.H. Lawrence

L'épine dans la chair et autres nouvelles by D.H. Lawrence

Auteur:D.H. Lawrence
La langue: fra
Format: epub
ISBN: ff78a16f9aff9d009550f179f8a570c2652bad14
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2016-01-14T16:00:00+00:00


3

Très lentement, elle dit :

— Je me suis mariée le même jour que vous.

Il la regarda.

— Pas officiellement, bien sûr, dit-elle. Mais… réellement.

— Avec le garde ? demanda-t-il, ne sachant que dire d’autre.

Elle se tourna vers lui.

— Vous pensiez que je n’oserais pas ? dit-elle.

Mais en dépit de son assurance une rougeur inondait ses joues et sa gorge.

Syson restait muet. Elle s’efforça de lui expliquer.

— Voyez-vous, j’ai fini par comprendre, moi aussi.

— Et qu’avez-vous fini par comprendre ?

— Bien des choses. Pas vous ? répliqua-t-elle. Chacun est libre.

— Et vous n’êtes pas déçue ?

— Oh non !

Son accent était profond et sincère.

— Vous l’aimez ?

— Oui, je l’aime.

— C’est très bien, dit-il.

Elle resta interdite un moment.

— Ici, dans son domaine, je l’aime, reprit-elle.

Il eut un cri de vanité masculine.

— Alors il vous faut une mise en scène ? demanda-t-il.

— Oui ! cria-t-elle. Vous m’avez toujours empêchée d’être moi-même.

— Mais est-ce donc une question d’atmosphère ?

Il l’avait crue tout âme.

— Je suis comme une plante, qui ne pousse que dans son propre sol, répondit-elle.

Ils arrivaient à un endroit où le taillis disparaissait, faisant place à un espace brun, uni, où s’élevaient les fûts rouge brique ou pourpres des pins. Plus loin, les banderoles des fougères, à demi déroulées, brillaient sous le vert sombre des vieux arbres, avec leurs fleurs en boutons plats. Au milieu de l’espace découvert s’élevait une cabane forestière faite de troncs, entourée de cages à faisans, les unes vides, les autres habitées d’une poule gémissante.

Sur le tapis brun d’aiguilles de pin Hilda se dirigea vers la cabane, elle prit une clef sous le bord du toit et ouvrit la porte. Ils virent une pièce nue, tout en bois avec un établi de menuisier, un étau, des outils, une hache dans un coin, des pièges, des collets rangés le long de la cloison, des peaux clouées, tout très en ordre. Hilda ferma la porte. Syson regardait les formes étranges des peaux d’animaux sauvages, aplaties, fixées sur des planches pour être préparées. Hilda toucha une cheville dans la cloison, qui s’ouvrit sur une autre petite pièce.

— Comme c’est romanesque ! dit Syson.

— Oui. Il est très bizarre. Il a un peu le flair d’une bête des bois — dans le bon sens du mot. Et il a des idées, de l’imagination même, jusqu’à un certain point.

Elle tira un rideau vert foncé. La chambre était presque entièrement occupée par un large lit de bruyères et de fougères sèches, recouvert d’une ample couverture de peaux de lièvres. Sur le sol étaient étendus de petits tapis de peaux de chats travaillés en mosaïque, et une peau de veau aux reflets roux. D’autres fourrures pendaient au mur. Hilda en décrocha une, qu’elle mit sur son dos. C’était une sorte de pèlerine de lapin et de fourrure blanche, avec un capuchon, probablement fait de la robe d’été des hermines. Du fond de ce manteau barbare, elle rit à Syson en disant :

— Qu’en pensez-vous ?

— Eh bien, mes compliments à votre homme, répondit-il.

— Et regardez, reprit-elle.



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