L’orchidée et le pissenlit by W. Thomas Boyce

L’orchidée et le pissenlit by W. Thomas Boyce

Auteur:W. Thomas Boyce [Boyce, W. Thomas]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Santé, vie de famille
Éditeur: Michel Lafon
Publié: 2020-08-02T04:22:59+00:00


Qui mangera les bananes ?

Même quand le harcèlement et l’exclusion sont des phénomènes rares, l’Homo sapiens – et les enfants Homo sapiens – semble avoir une prédisposition à créer un ordre social qui va du dominant au subordonné, du gros bonnet à la chiffe molle, du winner à l’outsider. Ceci vous rappellera probablement le règne animal, prétendument plus primitif, dans lequel n’existent pourtant ni hôpital, ni thérapeute, ni réunion parents-professeurs. À vrai dire, le comportement animal, comme celui des enfants, nous offre un tableau épatant de qui nous sommes et d’où nous venons.

Durant mon année au NIH, j’ai pu observer un phénomène commun à bien des espèces. Pour l’une de nos expériences, nous avons clairement et très simplement déterminé la place de chaque singe sur l’échelle sociale du groupe, en nous servant du bien le plus convoité : la nourriture. Pour ce faire, il nous a suffi de jeter deux branches de bananiers pleines de fruits dans une brouette, de les transporter jusqu’à l’enclos où résidaient entre trente et quarante animaux et de les balancer par-dessus la barrière. Ce qui se passa ensuite fut une parfaite illustration du fonctionnement de la hiérarchie dans les sociétés simiennes. Le numéro 1, le mâle alpha, celui à qui tout le monde obéissait, a marché d’un pas nonchalant jusqu’à la branche avant de s’asseoir tranquillement à côté pour se goinfrer d’autant de bananes que son gros ventre pouvait en contenir – chiffre qui allait parfois jusqu’à vingt ou trente fruits, ce qui n’était pas sans rappeler cette scène dans Luke la main froide, où Paul Newman parie qu’il peut ingurgiter cinquante œufs durs en une heure. Une fois repu, le mâle alpha a éructé bruyamment, déféqué de façon impressionnante et s’est éloigné d’un pas décontracté. Ce fut alors au tour du singe numéro 2 (mâle ou femelle) de prendre place, puis du suivant dans l’ordre hiérarchique, chacun à son tour, jusqu’au dernier, le singe oméga qui, lui, allait se contenter des restes, s’il y en avait. Mais être en bas de l’échelle sociale animale ne condamne pas seulement à une vie de restes de bananes : dans le quotidien des singes, ces oubliés sont également les derniers à pouvoir se réfugier dans l’abri en cas d’orage, ceux avec qui les autres jouent le moins, les derniers à quitter leur troupe native à l’adolescence et ceux qui ont le moins d’« opportunités reproductives ».

Les animaux dominants65 ne sont pas nécessairement les plus forts ni les plus cruels. En matière de statut social chez les macaques rhésus, il s’agit plus de connexions sociales et du talent du meneur. Avoir la bonne mère, créer les bonnes alliances et rouler des mécaniques juste ce qu’il faut en traversant l’enclos le vendredi soir comptent bien plus que la taille ou la férocité. Et bien que le statut social d’un singe soit plutôt stable sur le long terme, l’ordre hiérarchique peut changer dans certaines circonstances. Robert Sapolsky, primatologue et biologiste moléculaire, a relaté une anecdote intéressante à propos d’un groupe très hiérarchisé de babouins du Kenya.



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