L'amour et le temps by Robert Margerit

L'amour et le temps by Robert Margerit

Auteur:Robert Margerit [Margerit, Robert]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Publié: 2011-12-27T16:04:17+00:00


XVI

Bernard n’alla point à Panazol. Au lendemain de la panique, dès le retour des jeunes cavaliers envoyés sur les routes où ils avaient trouvé partout la même peur, sans voir nulle part la moindre apparence de brigands, quelques notables – entre autres Pierre Dumas, le teinturier Pinchaud, l’imprimeur Farne, son confrère Barbou – s’étaient, sous l’impulsion de Nicaut, constitués de leur propre chef en comité, invitant nussitôt avec la plus grande énergie tous les pouvoirs publics à les rejoindre pour veiller en commun à la défense, à l’ordre, aux besoins de Limoges. Cette réunion prit le titre de comité patriotique. Son premier soin fut de fondre la milice et les citoyens armés, que l’on ne pouvait laisser sans contrôle, en une garde nationale imitée de celle de Paris, dont on adopta l’uniforme et la cocarde. À l’exemple de Paris également, Limoges, ville haute et Cité, fut divisé en districts. Chacun d’eux mit sur pied sa compagnie, composée de tous les citoyens de seize à cinquante ans habitant le quartier. Seuls étaient exceptés les journaliers, laquais, domestiques. Bernard se trouva donc enrégimenté.

S’il l’avait voulu cependant, il aurait pu s’échapper. Il pouvait emprunter un cheval et aller, pour une heure ou deux, auprès de Lise. Plusieurs fois, il fut sur le point de le faire ; il en avait très envie, mais en même temps il redoutait de la voir. Il lui écrivit pour lui expliquer ses nouvelles obligations. Elle les connaissait : on avait appris, à Panazol, la création de la garde nationale. Lise comprenait bien que Bernard, avec son travail à la boutique, d’une part, d’autre part ses devoirs militaires, ne fût guère libre. Elle résolut de se rendre en ville. L’état d’alerte régnant encore, Thérèse ne voulut point la laisser aller seule. Un billet porté par un domestique avertit Bernard qu’on le recevrait à l’hôtel Naurissane dans la relevée. Quand un des laquais en livrée bleu clair et argent annonça le visiteur, les deux dames attendaient au salon de musique où Thérèse jouait du clavecin. Elles furent surprises en voyant le jeune homme qui s’avançait, le bicorne sous le bras. Bernard venait de faire l’exercice sur le cours Tourny, il était encore en uniforme, n’ayant pris que le temps de déposer ses armes au corps de garde. Dans ce costume, bien différent de la tenue blanche, assez fade, des miliciens, il paraissait soudain austère, avec une gravité inattendue sur ses traits et le dessin tout énergique du visage sous les cheveux sans poudre, bien serrés dans leur ruban de queue. La netteté de l’uniforme encore dans son neuf, les couleurs vives – habit bleu de roi, aux revers, parements et collet rouges, tranchant avec les guêtres, la culotte et le gilet blancs – accusaient la force élégante de son corps.

« Ma foi ! c’est Mars en personne ! Le militaire vous sied à merveille, mon cher Bernard », dit Thérèse non sans un peu d’ironie.

Elle prit le bicorne, regardant avec curiosité cette cocarde qu’elle voyait pour la première fois. Le symbole ne lui plaisait guère, bien qu’il comportât la couleur royale.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.