L'amour est une île by Gallay Claudie

L'amour est une île by Gallay Claudie

Auteur:Gallay, Claudie [Gallay, Claudie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française
ISBN: EPUB9782742798391-18122
Éditeur: Ninick - TAZ
Publié: 2011-08-15T22:00:00+00:00


— Ils m’appelaient tous Mlle Isabelle. Ferré aussi. Quand il passait rue de la Croix, il sonnait, il montait. On se retrouvait autour de la table avec Benedetto, Laurent Terzieff aussi… Agnès prenait des photos… Agnès Varda.

Isabelle raconte.

Marie écoute. Dans la chaleur de l’après-midi, les heures sont lentes et lourdes.

Isabelle l’entraîne devant un portrait au mur.

— Marceau était un funambule blanc. Le mime Marceau tu connais ?! Mais d’où tu sors toi ?…

Elle rit en disant ça.

Elle montre un visage blanc avec un pull à rayures. La photo est dédicacée : “Se taire est la seule attitude valable.” Une signature.

Isabelle tire Marie vers un autre portrait.

— Lui c’est Béjart, un grand danseur, il avait belle allure n’est-ce pas ?… Agnès c’est elle, vingt ans en 1948, toujours avec son appareil photo, comme toi. La chemise bleue qu’elle porte sur cette photo est dans l’armoire de la chambre. Et elle, c’est Ariane Mnouchkine, l’été 1969.

Elle fait tourner la pierre d’améthyste autour de son doigt.

— Vilar, on l’appelait le roi ! Gérard, c’était le prince. Et Maria, Maria Casarès, elle, c’était notre lumière.

Isabelle se souvient de tous les visages. Elle s’est attachée à eux tous, tellement, à leur histoire, leur légende. Elle aurait voulu avoir un peu de leur talent, partager cette magie. Elle n’a pu que les aimer. Et elle les a vraiment aimés. Intensément.

Elle se retourne vers Marie, prend son visage entre ses mains, les yeux à la teinte si bleue.

— Toi aussi tu es belle, tu peux être une lumière si tu veux.

Elle voudrait ajouter quelque chose. C’est tellement bref une vie. Elle se détache.

Elle tire un disque vinyle d’une pochette en couleurs, le glisse sur le plateau.

— Lui pourra te dire tout ce qu’il te faut savoir.

Elle lui tend la pochette. Ferré chante Aragon. Les paroles sont imprimées sur le carton du disque.

Elle s’avance vers l’une des fenêtres. Elle laisse passer une chanson, une autre.

— Il s’accoudait là, et il regardait passer les gens dans la rue. Ça l’apaisait. Il aimait jouer aux cartes, des parties interminables. En 1959, il a acheté son château en Bretagne, près de Cancale. Je suis allée là-bas une fois. A marée haute, c’était une île. Après, il a préféré la Toscane.

Elle revient s’asseoir dans le sofa. La dernière fois qu’il est venu ici, il était déjà vieux, il avait du mal à monter les marches. Elle a appris sa mort l’année suivante, pendant le festival.

— On était nombreux, une soirée autour d’Anaïs Nin. On a pleuré. Après, on est allés à son enterrement, en décapotable, jusqu’à Monaco. On a dormi sur la plage. On avait acheté du vin, on s’est passé ses disques. Ce fut une nuit formidable.

Isabelle ferme les yeux. La voix chante les poèmes. Les souvenirs montent derrière ses paupières baissées.

La main ridée tremble sur l’accoudoir.

— Mathilde était avec nous, elle a pris la voiture, elle a embouti l’aile mais elle est revenue avec des croissants et des thermos pleins de café. On a bu le café sur la tombe, on a mangé les croissants, on a pleuré encore, il y avait tant de fleurs et c’était l’été.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.