L'America by Michel Moutot

L'America by Michel Moutot

Auteur:Michel Moutot
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Seuil
Publié: 2020-02-03T05:33:55+00:00


Couché sur un bat-flanc de bois, les mains derrière la tête, dans la pénombre de sa cellule au sol de terre battue et aux murs suintants d’humidité, le fontaniero se redresse et s’assied en entendant des bruits de serrure et en voyant la lueur d’une lampe à pétrole approcher dans le couloir. Si c’est un carabiniero que je connais, je pourrai transmettre un message, se dit-il. Il faut que je passe par-dessus la tête de ce Toscan et que je fasse prévenir Matéoli ou le directeur régional, à Palerme. Il va falloir trouver un moyen de le corrompre ou de l’effrayer, celui-là. Il devient vraiment gênant.

– Alors, fontaniero, tu pensais qu’un des policiers que tu paies depuis des années allait t’apporter un poulet rôti et une bonne bouteille ? Eh bien tu vois, ce n’est que moi, avec une cruche d’eau et la même purée d’avoine que les autres prisonniers, que je ne donnerais pas à mon cheval.

– Vaffanculo, Toscano di merda ! Je sortirai d’ici plus tôt que tu ne crois, et tu ne pourras rien y faire. Ici, c’est Trapani, c’est la Sicile. Vous, les jolis messieurs du Nord, vous ne saurez jamais comment marche notre monde, et vous ne parviendrez jamais à imposer vos volontés d’envahisseurs. Nous vous avons toujours résisté, nous continuerons.

Dario Corsini pose le plateau sur le sol, applaudit en souriant.

– Belle déclaration d’indépendance. Vive la Sicile libre, avec les mafiosi aux commandes et le fontaniero Fontarossa à la présidence. Ce serait du joli. Si j’en avais le pouvoir, je vous l’accorderais tout de suite, moi, l’indépendance. Vous resteriez croupir dans votre merde pour l’éternité, et nous autres Italiens n’aurions que faire de votre île de dégénérés. Mais c’est Rome qui décide, et qui envoie des fonctionnaires comme moi pour tenter de nettoyer ce cloaque. Alors, en attendant le grand jour de la libération, déguste ce déjeuner, parce que dans deux heures tu quittes la ville. Je te fais transférer. Inutile d’espérer que tes hommes prennent d’assaut notre commissariat.

– Transférer ? Où ?

– Tu penses vraiment que je vais te le dire ? Tu l’apprendras bien assez tôt. Quelque part où tes manigances n’ont pas cours et où tu ne pourras ni payer ni menacer pour te faire libérer. Tu es le premier de la liste, Fontarossa. Les fontanieri et les extorsions dans les vergers, ces parasites de la société dans votre île d’arriérés, c’est terminé. Rome s’est enfin décidé à passer à l’action.

– C’est ce que nous verrons. Ne te réjouis pas trop vite, Toscan.

Le soir, Salvatore Fontarossa est réveillé par le même bruit de clefs. Des carabinieri inconnus lui ordonnent de se lever, de tendre les poignets à travers les barreaux pour le menotter. Il s’exécute. Ses yeux sont bandés dès sa sortie de cellule, une main ferme le prend par le bras et le fait monter dans le fourgon pénitentiaire tiré par deux chevaux qu’il entend piaffer. Il reconnaît la voix de Corsini qui donne les ordres, monte à l’avant à côté du cocher.



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