L'île des perroquets by Robert Margerit

L'île des perroquets by Robert Margerit

Auteur:Robert Margerit [Margerit, Robert]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782724224481
Éditeur: Phébus
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


TRENTIÈME DE JUILLET :

Nous avons occupé cet intervalle de temps à relever nos établissements, autant qu’il a été possible. De nouveau, nous possédons un enclos avec des cochons, une réserve pour les tortues de mer, un champ de pois rouges, un de ces patates dont Michel Pantaragat se montre fier. Bien des objets de première nécessité ont disparu. Nous pourvoyons au mieux à leur défaut. Les ajoupas ne sont pas encore reconstruits.

CINQUIÈME D’AOÛT :

La fortune est encore une fois contre nous.

Ce matin, Wil Whale, Frémin Cotard, Georges Nightingale, avec trois autres de nos gentilshommes qui travaillaient au sloop, sont arrivés au camp hors d’haleine, en annonçant que deux grandes pirogues chargées d’indiens se dirigeaient vers le rivage. Nous hésitâmes tout d’abord à les croire. Depuis que nous vivons sur cette caye, nous n’avons eu connaissance d’aucune peuplade qui l’eût habitée. On ne pouvait imaginer ce que des sauvages viendraient faire sur une île absolument déserte. Il fallut bien pourtant se rendre à l’évidence. Embusqués derrière les citronniers d’où l’on découvrait une grande étendue de mer, nous aperçûmes les embarcations signalées. C’étaient deux immenses bateaux longs et étroits, portant chacun une quarantaine de rameurs qui plongeaient à deux mains dans les vagues des rames courtes, à larges pales. Ce mode de propulsion conférait aux vaisseaux une grande vitesse. Ils se rapprochaient rapidement en dépit du vent contraire et de la marée. Au bout d’un instant, nous distinguâmes des détails assez surprenants. Des festons de fleurs décoraient les bordages. À l’avant de chaque pirogue, s’élevait une figure coiffée de plumes et rehaussée de couleurs vives. Un roulement ininterrompu nous parvenait aux oreilles, plus fort à mesure que les embarcations s’approchaient. Les falaises renvoyaient l’écho de cette mélopée traînant sur deux tons qui se succédaient avec, d’espace en espace, un coup vibrant comme en produisent des cymbales.

Nous ne savions que faire. Résister sans armes à plus de quatre-vingts sauvages, il n’y fallait pas songer. D’ailleurs, l’impression que nous éprouvions d’être pris au piège, pour ainsi dire, nous enlevait toute velléité de réfléchir. Car, bien évidemment, aussitôt débarqués dans l’île, les Indiens ne manqueraient pas de remarquer les indices de notre présence ; un moment ou l’autre, ils finiraient par nous découvrir. Heureusement, nous n’avions pas reconstruit nos ajoupas, circonstance heureuse en l’occurrence. D’autre part, le chantier du sloop, masqué par une avancée de rochers, serait dissimulé aux arrivants tant qu’ils ne contourneraient point la plage et ne franchiraient pas l’embouchure de la rivière. Tous nos souhaits s’accrochèrent à cet espoir.

Comme s’ils eussent pu nous voir, à mesure que nos ennemis s’approchaient de la plage, nous reculions d’arbre en arbre. Lorsqu’ils touchèrent au rivage, nous avions déjà, depuis longtemps, traversé l’Alguna, tant nous poignait la crainte de ces sauvages créatures. La chronique des gens de mer les dit plus dangereuses que les bêtes féroces, car elles joignent à leurs mœurs cannibales une cruauté non moins rare que leur courage.

N’eût été notre terreur, l’attitude des Indiens avait davantage de quoi nous surprendre que nous effrayer.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.