L'île au Liens by Yves Beauséjour

Auteur:Yves Beauséjour
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Alice Jeunesse
Publié: 2014-01-01T00:00:00+00:00

CHAPITRE 14

BEN MONTE AU FRONT ET TOMBE DE HAUT.

Ce que je peux avoir faim. J’entends mon estomac gargouiller. J’hésite à demander au Capitaine s’il a prévu de la boustifaille puisque moi, j’en ai plein dans mon sac à dos. Je ne voudrais pas qu’il me retire mon grade sous prétexte que j’ai pensé à quelque chose qu’il a oublié. Je me dis qu’il sera toujours temps de proposer un pique-nique lorsque Victor aura « évalué le périmètre », comme il dit.

Béatrice, la clandestine, reçoit l’ordre de rester sur la plage. Elle doit surveiller le navire. Précédé du Capitaine, on s’enfonce dans la forêt tropicale. La découverte de cette île risque d’être une autre grande aventure. Je le sens. L’air est vraiment très chaud et humide. Les moustiques nous collent à la peau, mais on ne s’en rend pas compte. Pas toujours. Sales bestioles ! J’en écrase un sur ma peau. Il éclate comme un pétard mouillé. À la vue du sang, Angélique a un haut-le-cœur. Je la regarde, surpris. Je ne pensais jamais pouvoir dire qu’Angélique avait peur de quelque chose.

Victor prend de l’avance. Angélique et moi marchons lentement. La jungle est épaisse. Mince, si on avait eu le temps de réfléchir, on aurait pu fouiller la planque d’Angélique et prendre des haches pour couper tout ce bois. Angélique avance à pas de tortue et Victor… Victor, il a vraiment trop d’avance sur nous.

Soudain, des baraques bizarres apparaissent devant nous. Poulailler, cages à lapins, volière et… Oh, oh ! Je comprends, maintenant ! Le voyage s’est trop bien déroulé. Voilà que j’entends des bêtes sauvages qui nous attaquent ! Une espèce en voie de perdition… euh de… de… de quoi au fait ? Tout de même, une espèce un peu perdue… comme nous ! Les bêtes sauvages foncent droit sur nous, l’écume plein la gueule. Ça y est, nous sommes perdus !

Je n’aurais jamais dû vouloir faire plaisir à maman. Je n’aurais jamais dû vouloir combler les attentes d’Angélique. Je n’aurais jamais dû me mêler de cette histoire. Je n’aurais jamais dû écouter Zachary avec son plan infaillible. Tout ça est de sa faute !

Angélique se met à crier et détale comme un lapin. Ça y est, c’est la fin. Je vais mourir, mangé par des bêtes sauvages, et je n’aurai même pas la chance de me goinfrer une dernière fois. Moi qui avais apporté cette succulente croustade aux pommes.

Je ferme les yeux. Je ne veux pas voir le massacre. Ma respiration est difficile. Ça me pique dans la gorge. J’entends un gros sifflement. Je crois qu’il vient de mes poumons. Mes poumons ont peur. J’entends maintenant une sirène. J’ai les yeux fermés. Ils sont fermés, mes yeux ! Et alors ? Il se passe quelque chose ? L’état-major est anéanti ?

J’ouvre les yeux, il n’y a personne. Personne ? Mon frère a disparu ! Les bêtes sauvages l’ont mangé ! Ah, nooooon ! Victooooor !

Je me réveille dans la barque. Des traces d’écume dégoulinent encore sur moi. Je n’y comprends rien.

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