La Volonté de savoir by Michel Foucault

La Volonté de savoir by Michel Foucault

Auteur:Michel Foucault
La langue: fra
Format: epub
ISBN: EPUB9782072159350-79457
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2013-10-14T16:00:00+00:00


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MÉTHODE

Donc : analyser la formation d'un certain type de savoir sur le sexe, en termes non de répression ou de loi, mais de pouvoir. Mais ce mot de « pouvoir » risque d'induire plusieurs malentendus. Malentendus concernant son identité, sa forme, son unité. Par pouvoir, je ne veux pas dire « le Pouvoir », comme ensemble d'institutions et d'appareils qui garantissent la sujétion des citoyens dans un État donné. Par pouvoir, je n'entends pas non plus un mode d'assujettissement, qui par opposition à la violence, aurait la forme de la règle. Enfin, je n'entends pas un système général de domination exercée par un élément ou un groupe sur un autre, et dont les effets, par dérivations successives, traverseraient le corps social tout entier. L'analyse, en termes de pouvoir, ne doit pas postuler, comme données initiales, la souveraineté de l'État, la forme de la loi ou l'unité globale d'une domination ; celles-ci n'en sont plutôt que les formes terminales. Par pouvoir, il me semble qu'il faut comprendre d'abord la multiplicité des rapports de force qui sont immanents au domaine où ils s'exercent, et sont constitutifs de leur organisation ; le jeu qui par voie de luttes et d'affrontements incessants les transforme, les renforce, les inverse ; les appuis que ces rapports de force trouvent les uns dans les autres, de manière à former chaîne ou système, ou, au contraire, les décalages, les contradictions qui les isolent les uns des autres ; les stratégies enfin dans lesquelles ils prennent effet, et dont le dessin général ou la cristallisation institutionnelle prennent corps dans les appareils étatiques, dans la formulation de la loi, dans les hégémonies sociales. La condition de possibilité du pouvoir, en tout cas le point de vue qui permet de rendre intelligible son exercice, jusqu'en ses effets les plus « périphériques », et qui permet aussi d'utiliser ses mécanismes comme grille d'intelligibilité du champ social, il ne faut pas la chercher dans l'existence première d'un point central, dans un foyer unique de souveraineté d'où rayonneraient des formes dérivées et descendantes ; c'est le socle mouvant des rapports de force qui induisent sans cesse, par leur inégalité, des états de pouvoir, mais toujours locaux et instables. Omniprésence du pouvoir : non point parce qu'il aurait le privilège de tout regrouper sous son invincible unité, mais parce qu'il se produit à chaque instant, en tout point, ou plutôt dans toute relation d'un point à un autre. Le pouvoir est partout ; ce n'est pas qu'il englobe tout, c'est qu'il vient de partout. Et « le » pouvoir dans ce qu'il a de permanent, de répétitif, d'inerte, d'auto-reproducteur, n'est que l'effet d'ensemble, qui se dessine à partir de toutes ces mobilités, l'enchaînement qui prend appui sur chacune d'elles et cherche en retour à les fixer. Il faut sans doute être nominaliste : le pouvoir, ce n'est pas une institution, et ce n'est pas une structure, ce n'est pas une certaine puissance dont certains seraient dotés : c'est le nom qu'on prête à une situation stratégique complexe dans une société donnée.



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