La Violence et le Sacré by Girard René

La Violence et le Sacré by Girard René

Auteur:Girard, René [Girard, René]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, Philosophie, France
Éditeur: Guy55it - TAZ
Publié: 1972-05-02T22:00:00+00:00


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Une autre pratique rituelle, encore, s’éclaire à la lumière du double monstrueux, l’usage des masques.

Les masques comptent parmi les accessoires obligés de nombreux cultes primitifs mais nous ne pouvons répondre avec certitude à aucune des questions que pose leur existence. Que représentent-ils, à quoi servent-ils, quelle est leur origine ? Derrière la grande variété des styles et des formes, il doit y avoir une unité du masque à laquelle nous sommes sensibles même si nous ne pouvons pas la définir. Jamais, en effet, quand nous nous trouvons en présence d’un masque, nous n’hésitons à l’identifier en tant que masque. L'unité du masque ne peut pas être extrinsèque. Le masque existe dans des sociétés très éloignées dans l’espace, parfaitement étrangères les unes aux autres. On ne peut pas rapporter le masque à un centre de diffusion unique. On soutient parfois que la présence quasi universelle des masques répond à un besoin « esthétique ». Les primitifs ont soif d’« évasion » ; ils ne peuvent pas se passer de « créer des formes », etc. Dès qu’on échappe au climat irréel d’une certaine réflexion sur l’art, on s’aperçoit qu’il n’y a pas là une explication véritable. L'art primitif a une destination religieuse. Les masques doivent servir à quelque chose d’analogue dans toutes les sociétés. Les masques ne sont pas « inventés ». Ils ont un modèle qui peut varier, assurément, de culture à culture mais dont certains traits demeurent constants. On ne peut pas dire que les masques représentent le visage humain mais ils lui sont presque toujours liés en ceci qu’ils sont destinés à le recouvrir, à le remplacer ou, d’une façon ou d’une autre, à se substituer à lui.

Il en est de l’unité et de la diversité des masques comme de celle des mythes et des rituels en général. Elle ne peut se rapporter qu’à une expérience réelle, commune à une bonne partie de l’humanité et qui nous échappe complètement.

Comme la fête dans laquelle il joue souvent un rôle de premier plan, le masque présente des combinaisons de formes et de couleurs incompatibles avec un ordre différencié qui n’est pas, au premier chef, celui de la nature mais celui de la culture elle-même. Le masque unit l’homme et la bête, le dieu et l’objet inerte. Victor Turner, dans un de ses livres, mentionne un masque ndembu qui représente à la fois une figure humaine et une prairie8. Le masque juxtapose et mélange des êtres et des objets que la différence sépare. Il est au-delà des différences, il ne se contente pas de transgresser celles-ci ou de les effacer, il se les incorpore, il les recompose de façon originale ; il ne fait qu’un, en d’autres termes, avec le double monstrueux.

Les cérémonies rituelles qui réclament l’usage du masque répètent l’expérience originelle. C'est souvent au moment du paroxysme, juste avant le sacrifice que les participants revêtent leurs masques, ceux-là au moins qui jouent dans la cérémonie un rôle essentiel. Les rites font revivre à ces participants tous les rôles que leurs ancêtres ont successivement joués au cours de la crise originelle.



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