La ville sans vent 01 by Éléonore Devillepoix

La ville sans vent 01 by Éléonore Devillepoix

Auteur:Éléonore Devillepoix [Devillepoix, Éléonore]
Format: epub
Éditeur: Hachette Romans
Publié: 2020-06-02T22:00:00+00:00


Deux heures plus tôt, Lastyanax, lui, entrait chez le mystographe par la porte principale. Il n’aurait pas été moins à l’aise s’il avait dû s’introduire par le balcon du premier étage, comme Arka. Depuis son arrivée au septième niveau, cinq ans auparavant, il n’avait pas eu souvent l’occasion de se rendre à ce genre de réception. Parfois, les mentors emmenaient leurs disciples aux fêtes, pour les introduire auprès du gratin hyperboréen. Mais Palatès n’aimait pas les mondanités – un comble pour un homme politique – et préférait consacrer son temps libre à la recherche d’objets rares et moins rares, traînant Lastyanax avec lui dans tous les recoins d’Hyperborée. Résultat, ce dernier connaissait la ville comme sa poche, mais n’avait aucune expérience des réceptions mondaines.

Sa première erreur fut d’arriver tôt. Les mages importants venaient avec au moins une heure de retard : c’était un fait connu. Lastyanax se retrouva donc à errer dans la foule éparse des invités, un verre à la main, en cherchant des yeux une tête familière. La réception avait lieu dans l’immense atrium de Silène, au centre duquel se trouvait un grand orgue hydraulique alimenté par une fontaine. Lastyanax déplorait l’absence de Pétrocle. Il en voulait toujours au mystographe de ne l’avoir pas invité, même s’il devait admettre que son ami n’avait pas fait beaucoup d’efforts pour mériter sa présence. Il finit par dénicher deux camarades de sa promotion parmi les moins reluisants. Enthousiasmés par la compagnie de Lastyanax, ils se gonflaient d’importance en décrivant les responsabilités mineures de leur début de carrière. Leurs plaisanteries tombaient à plat. Lastyanax écoutait leurs histoires d’une oreille distraite en guettant Pyrrha. Si elle le trouvait en train de discuter avec ces deux-là…

Hormis le mystographe qui papillonnait d’un invité à l’autre, un seul mage notable était arrivé : Triérios, le Ministre des Colonies. Lastyanax le repéra en train de dodeliner de la tête à côté de l’orgue hydraulique, un verre dans chaque main. Il s’excusa auprès de ses deux camarades qui le regardèrent s’éloigner d’un air déçu. Malgré l’heure précoce, Triérios avait déjà les pupilles embuées par l’hydromel.

— Aaaah, Lastyanax ! Venez là, dit-il en lui prenant familièrement l’épaule. Belle toge, commenta-t-il après un coup d’œil à sa tenue.

— Merci, répondit Lastyanax.

Déterminé à ne pas répéter l’erreur vestimentaire du Prix du Basileus et échaudé par les remarques d’Aspasie, il avait eu recours aux services d’un couturier renommé. Après trois heures passées debout sur un tabouret, à opposer son veto aux idées les plus extravagantes du tailleur (« mais si, cette soierie à fleurs vous irait à merveille »), Lastyanax avait obtenu une toge bleu nuit à l’élégance discrète.

— On ne croirait pas que vous venez du premier niveau, continua Triérios avec la franchise décomplexée de l’ivrogne. Vous devez avoir un sacré succès auprès des filles.

Il ponctua sa remarque d’un haussement de sourcils grivois. Lastyanax songea à Aspasie et s’empressa d’avaler une gorgée d’hydromel pour faire passer le souvenir de cette conversation. La sœur de Pyrrha n’était pas la seule à déployer des stratégies de séduction : depuis peu, les filles de mage lorgnaient sur lui.



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