La ville noire by Boris Akounine

La ville noire by Boris Akounine

Auteur:Boris Akounine [Akounine, Boris]
La langue: fra
Format: epub
Tags: policier, historique
Éditeur: Presses de la Cité
Publié: 2015-10-15T00:00:00+00:00


Elle fût sans doute devenue folle ou bien eût succombé à un arrêt du cœur si, un quart d’heure plus tard, le téléphone n’eût sonné. On mit du temps à l’entendre, car tout le monde était dans la rue. On poussait des cris perçants, on agitait les bras, on sanglotait, on courait en tous sens. Enfin, un vieux serviteur perçut le trille de l’appareil et s’en fut décrocher.

Saadat à ce moment était étendue sur la chaussée, à l’endroit même où les bandits avaient enlevé son fils ; hurlant enfin à pleins poumons, elle battait des poings contre le sol. Des gens, massés autour d’elle, compatissaient bruyamment.

— Maîtresse, annonça Farid, tout essoufflé. On vous demande au téléphone. Ce sont eux, ceux qui… Ils veulent vous…

À l’instant même, Saadat cessa de pleurer. Elle se releva, secoua la poussière de ses vêtements. La tête ne lui tournait plus, son cœur battait normalement. Ce n’était plus l’heure d’être accablée.

Tandis qu’elle marchait vers le téléphone, elle songea : Ils appellent, c’est donc qu’ils vont réclamer une rançon. À Bakou, l’enlèvement d’enfants est monnaie courante, c’est un business. Elle s’était trompée en imaginant son fils hors de danger parce qu’elle payait ponctuellement le tribut. Sans doute une nouvelle bande avait-elle fait son apparition.

Rien de terrible. Quand il est question d’argent, il y a toujours une solution. Il faudrait parler avec le maître chanteur de la manière la plus posée possible, pour qu’il ne se montre pas trop exigeant.

— Validbekova, dit-elle sèchement, d’un ton bref, en prenant l’appareil.

— Votre fils est entre nos mains.

Un Russe. Ça ne voulait encore rien dire. Les Arméniens comme les musulmans, ou n’importe qui d’autre, prenaient souvent des Russes pour intermédiaires, dans ce genre d’affaires, pour brouiller les pistes.

— Entre les mains de qui ? s’enquit-elle.

À l’autre bout du fil, on émit un grognement contrarié.

— Vous ne semblez pas trop inquiète. Vous avez tort.

Langage châtié. Ce n’étaient donc probablement pas de simples criminels, plutôt des révolutionnaires.

— Allons au fait. Combien ?

Les S-R avaient pris trois cent mille roubles pour le fils des Abylgaziev. Mais ce n’était pas un enfant unique. Cependant, l’entreprise était presque deux fois plus grosse. Saadat pourrait essayer de faire baisser le prix à cent cinquante.

— Seulement tenez compte d’une chose, poursuivit-elle avec le même calme, je ne suis guère en fonds en ce moment. Je viens juste d’acheter de nouveaux équipements. Vous pouvez vérifier.

C’était la vérité. Elle avait investi en mai huit cent mille roubles dans la modernisation de ses installations : elle avait fait installer sur les chevalets de pompage des moteurs Diesel permettant d’extraire le pétrole une fois et demie plus vite. Elle ne disposait jamais de beaucoup de liquidités, si bien qu’elle avait dû souscrire à un gros emprunt à court terme. Elle comptait le rembourser rapidement – il flottait déjà dans l’air une odeur de grève générale, mais Saadat était sûre de ses ouvriers.

— Pourquoi vérifier ? Nous le savons, répondit l’homme. Nous n’avons pas besoin d’argent. Dites non au comité de grève. Aucune concession.



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