La Vie sans principe by HENRY DAVID THOREAU

La Vie sans principe by HENRY DAVID THOREAU

Auteur:HENRY DAVID THOREAU
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782755502121
Éditeur: ÉDITIONS MILLE ET UNE NUITS
Publié: 2013-01-20T00:00:00+00:00


Par pitié, vivons sans être tirés par des chiens, comme les Esquimaux, traînés par monts et par vaux, et se mordant mutuellement les oreilles.

Ce n’est pas sans être parcouru par un léger frisson devant le danger encouru, que je m’aperçois souvent que j’ai été proche de laisser entrer dans mon esprit les détails de quelque affaire triviale qui alimente les nouvelles de la rue. Je suis surpris de constater que des hommes de bonne volonté laissent leur esprit se vautrer dans de telles ordures, autorisent des rumeurs oiseuses et des incidents des plus insignifiants à faire intrusion sur un terrain qui ne devrait être consacré qu’à la pensée. L'esprit deviendra-t-il une arène publique, où l’on ne débat pour l’essentiel que des affaires de la rue et des ragots du salon de thé ? Ou bien sera-t-il une portion des cieux eux-mêmes, un temple hypèthrej, consacré au service des dieux? Je trouve qu’il est si difficile de savoir disposer de quelques faits qui sont significatifs à mes yeux, que j’hésite à surcharger mon attention avec ceux qui sont insignifiants, que seul un esprit divin pourrait éclairer. Telles sont, pour la plupart, les nouvelles dans les journaux et les conversations. Il est important de préserver la chasteté de l’esprit en la matière. Imaginez que vous laissiez pénétrer dans vos pensées les détails d’un seul procès de la cour criminelle et que vous arpentiez tel un profane ce véritable sanctum sanctorum l’espace d’une heure, voire plusieurs heures durant ! Imaginez que vous fassiez une taverne de la pièce la plus retirée de l’esprit, comme si depuis si longtemps la poussière de la rue avait retenu votre intérêt, comme si la rue elle-même, avec toute son agitation, son va-et-vient et sa crasse, était passée sur la châsse de vos pensées ! Ne serait-ce pas un suicide intellectuel ou moral? Quand j’ai été appelé à m’asseoir comme spectateur et auditeur dans une salle du tribunal durant plusieurs heures, et que j’ai vu mes voisins, qui n’étaient pas appelés, entrer de temps à autre, et marcher sur la pointe des pieds, les mains et le visage propres, il m’est apparu que quand ils ôtaient leurs chapeaux, leurs oreilles se déployaient soudain en vastes paraboles pour capter les sons, entre lesquelles leurs petites têtes étaient comme compressés. Comme les ailes des moulins à vent, ils interceptaient le large ruisseau mais peu profond du bruit qui, après quelques tours émoustillants dans leurs cerveaux mécaniques, passait de l’autre côté. Je me demandais si, de retour chez eux, ils prenaient autant de soin à laver leurs oreilles qu’ils en avaient mis à laver leurs mains et leur visage. Il m’a semblé, à cette époque, que les auditeurs et les témoins, le jury et le conseil, le juge et le criminel à la barre – si je puis présumer qu’il est coupable avant d’avoir été condamné – étaient tout autant criminels, et j’espérais qu’un coup de foudre s’abattît et les brûlât tous autant qu’ils fussent.

Par toutes sortes de pièges et de



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