La vie en ville by Damien Desamory

La vie en ville by Damien Desamory

Auteur:Damien Desamory
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Diagonale
Publié: 2014-11-15T00:00:00+00:00


10

Ferran, Ibrahim et Petko arrivèrent à deux heures quarante-neuf, exactement. Ils n’eurent pas à sonner, Antal faisait le guet depuis une demi-heure déjà. Il avait emmené l’enveloppe contenant les mille euros et la caressait dans sa poche pour se donner du courage.

Il était très nerveux. À trois reprises, il avait ouvert la porte donnant sur la terrasse pour guetter les carrés lumineux des chambres occupées.

Une chambre située juste dans l’axe de l’escalier de secours était restée très longtemps éclairée. Antal avait commencé à paniquer, il s’était dit qu’il pourrait peut-être appeler la chambre en question et expliquer au client que ses lumières dérangeaient et qu’il serait préférable pour tout le monde qu’il ferme ses rideaux. Mais la lumière avait fini par s’éteindre. Tout le monde dormait.

Antal ouvrit la porte d’entrée et Ferran, Ibrahim et Petko traversèrent le lobby comme si de rien n’était, comme s’ils n’étaient pas des criminels endurcis.

Antal les regardait, stupéfait par leur naturel et le manque de solennité de l’instant. Est-ce que c’était vraiment comme cela qu’on en arrivait à commettre un crime de ce calibre ? Qu’il devenait un malfaiteur ? Antal ne pouvait s’empêcher de se dire que l’univers aurait tout de même pu essayer de marquer le coup d’une manière ou d’une autre. Il se souvenait de la première fois qu’il avait pris un cachet d’extasy. Il était dans une discothèque. Il avait contemplé trop longuement le cachet dans le creux de sa main en se disant que là, c’était plus pour rigoler, son destin allait basculer. Le sorteur s’était approché. Un ami lui avait fait lâcher la pilule par terre et il s’était fait éjecter du club. Seulement, une heure plus tard, la pilule l’avait retrouvé. Un autre ami, après son expulsion, avait ramassé la pilule et avait retrouvé Antal pour la lui rendre.

Epaté par la persistance du destin, il avait avalé la drogue sans plus se poser de question.

À présent, s’il devait se dédier à une vie de criminel, Antal aurait bien voulu que l’univers y mette un peu plus de forme ; Ferran, Ibrahim et Petko traversant le lobby ne rendaient pas justice à la gravité de l’instant.

Peut-être qu’il aurait fallu que Petko ou Ibrahim sorte un couteau et le lui mette sous la gorge en susurrant : « Si tu parles, j’te crève. »

Comme ça, il aurait au moins pu se défendre en disant qu’il avait été forcé de prendre cette mauvaise décision, on ne discute pas avec un couteau.

Mais non, Petko sourit et Ibrahim lui chatouilla même les côtes de son gros index.

Alors Antal ouvrit la porte.

Il les regarda traverser la terrasse puis arriver à l’escalier de secours.

Là, Antal retint sa respiration. Il se souvenait qu’un soir, un client bourré avait commencé à monter les marches de l’escalier de secours métallique. Le bruit de ses pas avait tellement résonné que, de la réception, avec la porte fermée, Antal l’avait tout de suite entendu.

Mais aucun des trois n’était bourré. On entendait à peine le bruit de leurs semelles sur les marches.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.