La vie Bidim d'Ambrosia Nelson by Marie-George Thebia

Auteur:Marie-George Thebia [Thebia, Marie-George]
La langue: fra
Format: epub
Tags: A_Poster, Littérature Française
Éditeur: L'Harmattan
Publié: 2016-09-04T22:00:00+00:00

22

Les premières douleurs lui lapidèrent le ventre comme des coups de poignard, elle poussa un cri, s’agrippa à la table de la petite cuisine. Les tiraillements ne cessèrent pas et elle s’écroula sur le sol en appelant à l’aide en vain. Maurice était parti tôt ce matin et personne à part sa voisine ne se trouvait à proximité. Elle rampa avec difficulté, mais réussit à atteindre la porte de l’appartement. Elle sentit le sang abondant glisser le long de ses cuisses, elle eut alors la certitude que le bébé était en danger. Cela décupla ses forces, d’irrationnelles forces. Elle parvint à sortir.

– Au secours ! Au secours ! hurla-t-elle dans un cri désespéré. Personne ne répondit.

– Au secours ! Je vais perdre mon bébé pleura-t-elle les yeux brouillés de larmes.

Un bruit se fit entendre au rez-de-chaussée, des pas.

Une pulsion intérieure s’empara d’elle, celle qui fait abattre des obstacles insurmontables, traverser des montagnes, décrocher la lune.

– À l’aide ! dit-elle dans un dernier sursaut avant de s’évanouir.

Lorsqu’elle se réveilla, la douleur toujours présente, elle sut que le pire était advenu, encore une fois elle dansait avec le malheur, avec la vie dans ce qu’elle avait de plus horrible. Autour du lit, les visages fermés de Maurice, Suzon et Yvette. Elle essaya de se lever, mais n’y arriva pas. Suzon la retint.

– Ma petite ne bouge pas ! Le médecin a dit que tu devais éviter les gestes brusques.

Elle fit signe à Yvette, elles devaient les laisser seuls face à leur détresse, à l’inacceptable.

– Le médecin m’a dit qu’il ne comprend pas, le bébé allait bien et toi aussi, Bon Dieu pourquoi ? Il était furieux, la rage enfouie depuis les terribles évènements refaisait surface.

Abattu, il pleurait devant sa femme comme un petit garçon. Tout dans son être était à la peine.

– Je suis désolée Maurice, ce bébé était le mien aussi, j’ai mal autant que toi de l’avoir perdu… Nous allons souffrir longtemps dans notre chair, cette disparition fera partie de nous, de notre histoire, ne m’en veux pas mon chéri !

Il s’approcha d’elle, la prit dans ses bras. Ils restèrent enlacés hors du temps, pleurant tout leur saoul comme pour se purifier, se laver le cœur.

Pour Maurice, confronté pour la première fois à la perte d’un être cher, le choc violent emportait tout sur son passage, pour Ambrosia abonnée aux coups du sort, c’était l’affreuse réalité qui la rattrapait. Elle y avait cru au bonheur, enfin, à l’idée très rassurante du mariage, de la famille qui se bâtit au fil des jours. Et là, la vie scélérate la rappelait en lui enlevant son enfant, en lui infligeant encore une fois le pire. Elle n’en pouvait plus de cette fatalité, mais devait se montrer forte pour Maurice et les autres.

Quelque chose s’était brisé, elle le sentit surtout quand Maurice se détacha d’elle avec violence et lui asséna le coup de grâce.

– Le médecin m’a aussi expliqué que tu avais déjà été enceinte, il a trouvé des traces qui laissent supposer que tu t’es fait avorter.

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