La valse oubliée by Anne Enright

La valse oubliée by Anne Enright

Auteur:Anne Enright
La langue: fra
Format: epub
ISBN: EPUB9782330013653-109690
Éditeur: Éditions Actes Sud
Publié: 2012-06-14T16:00:00+00:00


EV’RY TIME WE SAY GOODBYE

Trois semaines plus tard, le 5 mai, ma mère s’est effondrée au milieu de l’après-midi, et on l’a emmenée en ambulance au Tallaght Hospital. Par chance – si on peut appeler ça de la chance – c’est arrivé en dehors de chez elle. Elle était tout près de Bushy Park, mais ce qu’elle pouvait bien faire là reste un mystère. Joan n’allait jamais au parc. Elle disait toujours qu’il était trop près pour qu’on se donne cette peine et que, après la première vingtaine d’années, elle avait cessé de se sentir coupable à cause de tout ce bon air. Mais c’était devant les grilles du parc qu’elle s’était cramponnée au capot d’une voiture avant de s’asseoir par terre. Nous ne savions pas si elle allait au parc ou si elle en revenait, nous avons appris l’épisode de la voiture par une habitante d’une des maisons d’en face, qui nous a raconté cette histoire après le transport à l’église de Terenure. Et pour cause : c’était une bonne histoire.

“Je ne l’ai pas vue toucher le sol, a-t-elle rapporté. Elle était de l’autre côté de la voiture, et elle s’est effondrée. Quand je suis sortie elle était assise là, les jambes tendues devant elle, comme un tout-petit ou un jeune enfant, son joli manteau en poil de chameau étalé en éventail par terre dans son dos.”

Cette femme, qui paraissait savoir qui nous étions et qui était ma mère, qui paraissait connaître tous ses manteaux, voulait me remettre un téléphone.

Je ne voulais pas le prendre. Je ne voyais pas pourquoi j’aurais dû le prendre.

“Je l’ai trouvé plus tard, une fois la voiture partie.”

Nous étions presque sûres qu’il s’agissait du portable de notre mère, même si la batterie était maintenant à plat et que ni Fiona ni moi n’avions le courage de la recharger. Du coup, nous nous sommes demandé ce que savait, ou soupçonnait, Joan – son étrange balade vers le parc et, juste avant de tomber, la tentative pour donner un coup de téléphone. Nous nous sommes demandé si elle avait peur ; pas simplement au moment où elle avait tendu le bras vers le capot de la voiture d’un inconnu, mais pendant l’heure d’avant, la journée d’avant. Et si c’était une journée – alors quoi ? La même pensée occupait nos esprits : notre mère avait peur depuis longtemps – des mois, un an peut-être –, elle avait peur, et nous ne l’avions pas vu, et à présent notre réconfort ne pouvait plus l’atteindre.

C’était la perte de son portable qui avait tout retardé, je crois. Tout d’abord, à dix heures du soir j’ai reçu un appel de l’infirmière de garde, m’expliquant que notre mère avait été emmenée à l’hôpital et me demandant si je voulais passer. Mais enfin, cette femme était morte, et bien morte, pourtant ce doit être ce qu’on dit à la famille, dans ces cas-là. D’ailleurs, je le savais sans le savoir.

C’est peut-être la raison pour laquelle je n’ai pas demandé ce qui s’était passé, ni où se trouvait Joan.



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