La valeur de la science by Henri Poincaré

La valeur de la science by Henri Poincaré

Auteur:Henri Poincaré [Poincaré, Henri]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science, Philosophy, philosophy of Sciences
Éditeur: Flammarion
Publié: 1908-05-14T23:00:00+00:00


II

Le physicien ne peut demander à l’analyste de lui révéler une vérité nouvelle ; tout au plus celui-ci pourrait-il l’aider à la pressentir.

Il y a longtemps que personne ne songe plus à devancer l’expérience, ou à construire le monde de toutes pièces sur quelques hypothèses hâtives. De toutes ces constructions où l’on se complaisait encore naïvement il y a un siècle, il ne reste plus aujourd’hui que des ruines.

Toutes les lois sont donc tirées de l’expérience ; mais pour les énoncer, il faut une langue spéciale ; le langage ordinaire est trop pauvre, il est d’ailleurs trop vague, pour exprimer des rapports si délicats, si riches et si précis.

Voilà donc une première raison pour laquelle le physicien ne peut se passer des mathématiques ; elles lui fournissent la seule langue qu’il puisse parler.

Et ce n’est pas une chose indifférente qu’une langue bien faite ; pour ne pas sortir de la physique, l’homme inconnu qui a inventé le mot chaleur a voué bien des générations à l’erreur. On a traité la chaleur comme une substance, simplement parce qu’elle était désignée par un substantif, et on l’a crue indestructible.

En revanche, celui qui a inventé le mot électricité a eu le bonheur immérité de doter implicitement la physique d’une loi nouvelle, celle de la conservation de l’électricité, qui, par un pur hasard, s’est trouvée exacte, du moins jusqu’à présent.

Eh bien, pour poursuivre la comparaison, les écrivains qui embellissent une langue, qui la traitent comme un objet d’art, en font en même temps un instrument plus souple, plus apte à rendre les nuances de la pensée.

On comprend alors comment l’analyste, qui poursuit un but purement esthétique, contribue par cela même à créer une langue plus propre à satisfaire le physicien.

Mais ce n’est pas tout ; la loi sort de l’expérience, mais elle n’en sort pas immédiatement. L’expérience est individuelle, la loi qu’on en tire est générale, l’expérience n’est qu’approchée, la loi est précise ou du moins prétend l’être. L’expérience se fait dans des conditions toujours complexes, l’énoncé de la loi élimine ces complications. C’est ce qu’on appelle « corriger les erreurs systématiques ».

En un mot, pour tirer la loi de l’expérience, il faut généraliser ; c’est une nécessité qui s’impose à l’observateur le plus circonspect.

Mais comment généraliser ? Toute vérité particulière peut évidemment être étendue d’une infinité de manières. Entre ces mille chemins qui s’ouvrent devant nous, il faut faire un choix, au moins provisoire ; dans ce choix, qui nous guidera ?

Ce ne pourra être que l’analogie. Mais que ce mot est vague ! L’homme primitif ne connaît que les analogies grossières, celles qui frappent les sens, celles des couleurs ou des sons. Ce n’est pas lui qui aurait songé à rapprocher par exemple la lumière de la chaleur rayonnante.

Qui nous a appris à connaître les analogies véritables, profondes, celles que les yeux ne voient pas et que la raison devine ?

C’est l’esprit mathématique, qui dédaigne la matière pour ne s’attacher qu’à la forme pure. C’est lui qui nous a enseigné à nommer



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