La Tsarine noire et autres contes by Sacher MASOCH Roger DADOUN

La Tsarine noire et autres contes by Sacher MASOCH Roger DADOUN

Auteur:Sacher MASOCH, Roger DADOUN
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Manucius
Publié: 2013-03-01T00:00:00+00:00


Le harem du sultan de la Tauride n’est relié au palais que par un étroit couloir et s’élève au milieu d’un jardin entouré de hautes murailles. Les belles prisonnières du Khan habitent, pareilles à des nonnes, de petites cellules carrées ; mais elles aiment à se réunir autour du jet d’eau ou à s’éparpiller, joyeuses, comme un essaim d’abeilles, sous les platanes.

Contre le mur du jardin, s’appuie un haut kiosque hexagonal, dont les fenêtres sont masquées par un impénétrable treillis. Là, les femmes de Kerim Gireïs se tiennent pour voir défiler les brillants cortèges des ambassadeurs, ou pour assister aux tournois arabes, qui rappellent ceux des chevaliers chrétiens du Moyen ge. De là, aussi, le Khan leur fait admirer ses merveilleux faisans argentés quand on leur distribue la nourriture dans la cour, et les pauvres innocentes s’en réjouissent chaque fois, comme d’un spectacle nouveau.

Aujourd’hui, elles sont seules. Le Khan demeure invisible. À sa place, elles n’aperçoivent que la face noire et grimaçante du chef des eunuques, leur souriant de temps à autre derrière un rideau ou une jalousie.

Les jolies recluses du harem se distraient comme elles peuvent à changer leurs robes d’une magnificence orientale, à dénouer et lisser leurs cheveux, ou à se baigner dans la fontaine entourée de rosiers. Enfin, elles s’asseyent, sirotant du café et fumant leurs longs chibouks, autour du jet d’eau, et Anaïd leur raconte le conte des Quarante Vierges et du bouffon arabe.

Tout à coup, l’eunuque surgit, avec son visage apathique taillé dans un marbre noir, au milieu des belles attentives qui, effarouchées à son aspect inattendu, poussent des cris de paon et puis éclatent de rire.

« – Où est Kerim Gireïs ? demande Anaïd d’un ton de commandement.

– Où veux-tu qu’il soit ? Chez la chrétienne, naturellement. C’est encore l’ennui qui vous travaille, poursuit-il d’un ton moqueur.

– Oui, Kiamil, crient-elles toutes à la fois. Amuse-nous puisque le Khan est invisible, dit Anaïd en se levant et en laissant glisser son cafetan bordé de fourrure. Nous aimerons Kiamil, le beau, le bon, le ravissant Kiamil ! »

Et l’enlaçant avec fougue de son bras moelleux, elle se met à tapoter tendrement ses joues grasses, tandis que ses yeux noirs lui coulent un regard d’espiègle coquetterie.

« – Oui, oui, crient de toutes parts les jeunes femmes. Kiamil sera notre bien-aimé ».

Elles entourent le nègre récalcitrant et l’attirent sur le divan. Tandis qu’Anaïd, sur ses genoux, lui passe les bras autour de la nuque et le taquine de caresses, deux autres le coiffent, et une quatrième le baise, en dépit de ses grimaces, sur ses grosses lèvres charnues.

« – Qu’il est beau, Kiamil ! crie une cinquième, évidemment, il pense à se marier.

– Épouse-moi, Kiamil ! raille Anaïd. Aucune ne t’aime autant que moi ».

Et elle recommence de le flatter comme un enfant.

Pendant qu’au harem, les rires et les jeux vont leur train, Marie, comtesse Polocka et favorite du Khan, est couchée, enveloppée de moelleuses fourrures et grelottante de froid, sur sa couche d’une somptuosité orientale ; à ses pieds, la vieille servante qui la soigne, anxieuse comme une mère, et pleine de sollicitude.



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