La Transition by Luke Kennard

Auteur:Luke Kennard [Kennard, Luke]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782380820218
Éditeur: Éditions Anne Carrière
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

26

En rentrant, Karl entendit un craquement sinistre en provenance du premier étage. Il ne signala pas sa présence. Il retira son manteau très silencieusement. Une fois dans l’escalier, il s’aperçut que le son venait de la chambre de Janna et Stu, aussi s’arrêta-t-il devant leur porte en passant devant pour rejoindre l’échelle du grenier. La porte de leur chambre était ancienne et possédait encore une serrure datant de l’époque où les gens mettaient des verrous partout. Le craquement sourd évoquait un mouvement de balancier irrégulier, accélérant parfois pour s’achever en roulement de tambour, avant de changer aussitôt de cadence. Karl retint son souffle, se mit à genoux, ferma une paupière et appuya la joue contre le métal froid de la serrure. Sa vision était bordée de noir, mais au centre il voyait très distinctement le trapèze, qui avait été un peu relevé depuis le jour où Genevieve l’avait essayé.

Janna portait une brassière et un cycliste en Lycra bleu. Elle était assise sur le trapèze, les deux jambes du même côté de la barre, et elle s’appuyait contre la corde comme un personnage de roman américain se délassant dans un hamac. Puis elle plongea à une vitesse fulgurante pour se retrouver suspendue par une jambe, les doigts pointés vers le sol. Elle remonta d’un coup de reins pour venir attraper la barre à deux mains, fit deux tours complets puis redescendit prendre appui sur le ventre, semblant nager dans les cieux, avant de bondir en enroulant une jambe autour des deux cordes. Puis, dans une sortie spectaculaire, elle se détortilla comme un tissu qui s’effiloche et atterrit au sol sur ses deux pieds, dos à la porte.

Karl dut se retenir d’applaudir frénétiquement. Il tremblait. Il avait déjà remarqué que la transgression, aussi minime fût-elle, le secouait de frissons. Alors Janna retira sa brassière, baissa son cycliste et s’étira. Karl la contemplait par le trou de la serrure, et il se dit subitement que ce serait le bon moment pour se faufiler rapidement jusqu’au grenier, ni vu ni connu. Pourtant il n’en fit rien. Il la regarda se nouer une serviette rose autour de la poitrine.

« Tu peux entrer, si tu veux », lança-t-elle, dans le vide semblait-il.

Karl retint sa respiration.

« Vraiment, insista-t-elle en se détachant les cheveux. Ça ne me dérange pas. Je trouve ça mignon. »

Karl se releva, les joues en feu. Il fit tourner la poignée, qui produisit un clic sonore, ouvrit la porte mais resta sur le seuil.

« Regarde-toi, dit Janna en souriant. Ne sois pas si gêné.

— Je suis… » Karl se sentait comme un petit garçon. « Je suis désolé de t’avoir espionnée.

— C’était de la curiosité, c’est tout », tempéra Janna. Elle resserra la serviette sous ses aisselles. « C’est un trapèze.

— Je sais. Je pensais que ça se balançait seulement d’avant en arrière.

— C’est du Câble Communicant, expliqua-t-elle. Ça peut être dur comme du métal ou bien souple comme de la ficelle. Il suffit de tordre l’extrémité. Le concept a été développé – elle eut un sourire radieux – par un des protégés de la Transition.

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